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1er Décembre - J-24

La planche de skate de Léo glissait sur le trottoir fraîchement saupoudré de neige, slalomant entre les passants emmitouflés dans leurs manteaux. C’était le premier jour de décembre, et Mont-Sapin avait déjà revêtu son costume de fête. Des guirlandes lumineuses clignotaient aux fenêtres, et l’air sentait le pin, le chocolat chaud et la promesse de vacances imminentes. Pour Léo, 14 ans, cette promesse se traduisait surtout par des heures de jeu vidéo en perspective et des grasses matinées loin du collège.

Concentré sur sa trajectoire, évitant de justesse une plaque de glace, il ne prêta d’abord pas attention au scintillement rouge sur sa droite. Ce n’est qu’en tentant un petit ollie au-dessus d’une bouche d’égout qu’il perdit l’équilibre. Il se rattrapa de justesse à un lampadaire décoré comme un sucre d’orge géant, son skate s’arrêtant net quelques mètres plus loin.

En se penchant pour le ramasser, son regard fut de nouveau attiré par cette lueur. Nichée dans un petit monticule de neige au pied d’un sapin municipal, une forme ronde et vermeille pulsait doucement. On aurait dit une boule de Noël tombée d’une branche. Mais celle-ci était différente. Elle n’était pas en verre fragile, mais en métal lisse et brossé, avec de fines gravures qui ressemblaient à des circuits imprimés. Et surtout, elle émettait un son.

Bip… Bip… Bip…

Intrigué, Léo s’approcha. Il jeta un œil autour de lui. Personne ne semblait avoir perdu quoi que ce soit. C’était probablement un de ces nouveaux jouets high-tech. Il le ramassa. L’objet était froid et plus lourd qu’il n’en avait l’air. Le son provenait de l’intérieur, faible mais insistant.

« Bizarre », murmura-t-il.

Il fit pivoter l’objet entre ses doigts gantés, cherchant un interrupteur. Son pouce trouva une minuscule indentation, presque invisible à la surface. Par réflexe, il appuya dessus.

Le bip-bip cessa. Le silence fut immédiatement rompu par une voix claire, nette, et terriblement pressée, qui sembla jaillir de la sphère.

« Agent Flocon Rouge, ici Tour de Contrôle. Vous nous recevez ? Le protocole Crépuscule est enclenché. Confirmez réception, nom d’un biscuit en pain d’épices ! »

Léo sursauta, manquant de lâcher l’objet. Il le porta à son oreille, perplexe. Était-ce une blague ? Une caméra cachée ?

« Euh… Allô ? Qui est à l’appareil ? » balbutia-t-il, sa voix d’adolescent détonnant complètement avec le sérieux de son interlocuteur.

La voix, qui avait un accent curieusement rapide et chantant, ne parut pas remarquer son trouble.

« Parfait ! Réception cinq sur cinq. Écoutez attentivement, Agent. Le Syndicat du Charbon est passé à l’action. Nos renseignements confirment que le Dr. Givre prépare une cyber-attaque de grande envergure. Sa cible : le système de navigation du Traîneau Principal. Nous pensons qu’il veut le pirater pour dérouter la Grande Livraison. »

Le cerveau de Léo tournait à plein régime, mais n’arrivait à suivre qu’un mot sur trois. Syndicat du Charbon ? Dr. Givre ? Traîneau Principal ? On aurait dit le synopsis d’un mauvais film de Noël.

« Votre mission, si vous l’acceptez : identifier et neutraliser les opérations du Syndicat, une par une. Vous avez 24 jours. J-24 avant le décollage. Chaque jour, vous recevrez un nouveau gadget et de nouvelles instructions via cet holo-communicateur. Ne le perdez sous aucun prétexte. »

« Attendez, attendez ! » s’écria Léo. « Je crois qu’il y a une énorme erreur ! Je ne suis pas un agent, je m’appelle Léo, je suis au collège et… »

« Excellente couverture, Flocon Rouge, » le coupa la voix, imperturbable. « Un agent de liaison tactique, nom de code N.O.I.S.E.T., vous rejoindra à vos coordonnées actuelles dans les 24 heures. Il vous fournira votre premier équipement. Soyez sur vos gardes. Tour de Contrôle, terminé. »

La communication se coupa net. La lumière rouge de la sphère s’adoucit pour devenir une lueur dormante. Léo resta planté au milieu du trottoir, la bouche ouverte, le communicateur froid dans sa main. Le vent d’hiver lui fouetta le visage, mais il ne le sentait pas. Autour de lui, les lumières de Noël continuaient de clignoter joyeusement, ignorant le drame absurde qui venait de se jouer.

Paniqué, il rangea précipitamment l’étrange boule dans son sac à dos, entre son livre de maths et sa console portable. Il récupéra son skate et fila vers sa maison, le cœur battant la chamade. Ce n’était pas une blague. C’était trop précis, trop étrange. En arrivant devant sa porte, il jeta un dernier regard par-dessus son épaule. Les rues de Mont-Sapin lui semblaient soudain bien plus mystérieuses. La mission la plus folle de l’histoire de Noël venait de lui tomber dessus. Par erreur.