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5 Décembre - J-20
La filature était plus difficile que dans les films. La camionnette ‘Livraisons Givre’ ne se contentait pas de rouler vite, elle conduisait de manière erratique, prenant des virages serrés sans prévenir et accélérant brutalement dans les lignes droites. Léo, le corps penché et les muscles des jambes en feu, poussait sur son skate pour maintenir la distance. Il restait caché derrière les voitures en stationnement et les sapins décorés, son cœur tambourinant un rythme de pure adrénaline.
« L’agent doit maintenir une distance de sécurité de cinquante mètres pour éviter la détection, » crachota la voix synthétique de N.O.I.S.E.T. depuis le sac à dos. « Vous êtes actuellement à vingt-trois mètres. Votre technique de filature est… agressive. Et bruyante. »
« Je fais de mon mieux ! » haleta Léo, esquivant de justesse une poubelle. « Ce n’est pas comme si j’avais un moteur à propulsion, moi ! »
Alors que la camionnette abordait la Place des Carillons, elle prit un virage à droite si violemment que ses pneus crissèrent sur l’asphalte humide. La porte arrière, mal verrouillée, s’entrebâilla une fraction de seconde sous la force centrifuge.
CLANG.
Un petit objet sombre fut éjecté et atterrit avec un bruit mat dans un tas de neige fraîchement déblayée sur le bord de la route. La porte se referma avec un claquement métallique et la camionnette disparut au coin de la rue, sans même ralentir.
« Contact ! » hurla Léo, plus pour lui-même que pour son partenaire. Il fit déraper sa planche dans une manœuvre de freinage stylée, envoyant une gerbe de neige fondue. Le véhicule était déjà trop loin pour être rattrapé. La priorité venait de changer.
Il courut vers le monticule de neige, le souffle court. « Il est tombé quelque chose ! Un colis ! »
« C’est une chance statistique de 0,8%, » commenta N.O.I.S.E.T. « Procédure : sécuriser l’objet et se replier vers une zone non exposée pour analyse. Immédiatement. »
Léo plongea les mains dans la neige glacée. Ses doigts gantés rencontrèrent une surface dure et froide. Il en sortit une boîte cubique en métal gris foncé, sans fioritures, ornée du même logo ‘Livraisons Givre’ bleu glacier. Elle était étrangement lourde pour sa taille.
Repérant une ruelle étroite entre une boulangerie et un magasin de jouets, illuminée par une guirlande solitaire, il s’y engouffra. Il posa la boîte sur une caisse en bois, le cœur battant. Il jeta un œil à l’entrée de la ruelle. Personne.
Il ouvrit son sac et N.O.I.S.E.T. en sauta avec une agilité surprenante. Le robot-lutin fit le tour de la boîte, son œil bleu balayant sa surface.
« Aucune signature de piège explosif détectée. Ouvrez, Agent. »
Avec une certaine appréhension, Léo souleva le couvercle. À l’intérieur, calés dans une mousse noire découpée avec précision, se trouvaient plusieurs cubes d’un noir mat et parfait. Ils ne reflétaient aucune lumière, semblant l’absorber. On aurait dit des morceaux de charbon, mais d’une perfection géométrique impossible.
« Du charbon ? Tout ça pour du charbon ? » s’étonna Léo, déçu.
« Négatif, » affirma N.O.I.S.E.T. « La composition et la densité ne correspondent pas au carbone standard. »
Le robot-lutin sortit un petit appareil de sa ceinture tactique, un scanner doté d’une antenne qui tournait rapidement. Il le pointa sur l’un des cubes. Un rayon de lumière verte et fine balaya l’objet, tandis que le scanner émettait une série de bips et de clics.
L’œil de N.O.I.S.E.T. se mit à clignoter plus vite. « Analyse spectrale en cours… Analyse de résonance énergétique… »
Après un long silence, le robot se figea. Il releva son œil vers Léo.
« Analyse terminée. Identification : charbon actif de classe Givre. Il est enrichi en particules subatomiques d’émotions négatives cristallisées. En d’autres termes, c’est du ‘mauvais esprit’ de Noël concentré sous une forme stable. »
Léo le regarda, sans comprendre. « C’est… une blague ? »
« Ma programmation m’interdit l’humour, » répondit N.O.I.S.E.T., son ton plus grave que jamais. « La signature énergétique correspond à celle d’une source d’alimentation pour arme à dispersion. Ce n’est pas juste du charbon, Agent Léo. C’est un carburant. Le carburant d’une arme conçue pour neutraliser l’esprit de Noël à grande échelle. »
Léo fixa le cube noir, qui semblait soudain beaucoup plus menaçant. Cette mission venait de passer d’une simple affaire de piratage à quelque chose de bien plus sinistre.