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7 Décembre - J-18

Léo rentra chez lui en passant par la porte de derrière, le cœur encore battant de sa récente victoire. Il avait réussi à récupérer un des drones endommagés avant que les services de la voirie ne nettoient la place. Le morceau de technologie froide et tordue était caché sous son sweat, contre sa peau, un trophée secret et dangereux. Il fila dans sa chambre, prétextant une montagne de devoirs à faire, et verrouilla la porte.

Il déposa délicatement les restes du drone-boule-de-neige sur son bureau, au milieu des manuels scolaires et des stylos. Le carénage blanc était fissuré, révélant un enchevêtrement de circuits et de fils. N.O.I.S.E.T. sauta du sac à dos et atterrit avec un clac sec à côté des débris. Son œil bleu unique s’illumina d’une lueur analytique.

« Récupération d’un actif technologique ennemi. Action imprudente mais fructueuse, » commenta le robot-lutin. « Votre taux de réussite par pur hasard est statistiquement anormalement élevé. Début de l’analyse. »

« Appelle ça du talent, » rétorqua Léo, fier de lui. Il s’assit sur sa chaise et se pencha en avant, fasciné. « Alors, qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? »

N.O.I.S.E.T. ne répondit pas. De minuscules manipulateurs, fins comme des aiguilles, sortirent de ses doigts en bois. Avec la précision d’un chirurgien, il commença à disséquer les restes du drone. Il coupa des fils, retira des plaques de circuit et testa des composants avec une série de petits appareils qu’il extirpait de sa ceinture tactique. Léo observait, captivé. Sa chambre, habituellement un sanctuaire dédié aux jeux vidéo et à la procrastination, était devenue un laboratoire d’espionnage.

Après plusieurs minutes de travail méticuleux, N.O.I.S.E.T. isola un petit composant central, un cube métallique noir à peine plus grand qu’un dé à jouer.

« Le module de commande et de communication, » annonça-t-il. Il brancha deux fines sondes sur le cube. « Je vais tenter d’accéder à sa mémoire tampon pour retracer ses derniers ordres. »

L’œil de N.O.I.S.E.T. clignota rapidement tandis qu’il traitait les données. Un hologramme bleu vacillant projeta un flot de code indéchiffrable entre le robot et Léo. Soudain, l’hologramme se stabilisa pour afficher une simple onde sonore, irrégulière et chaotique.

Et puis, un son se fit entendre. Un son faible, grésillant, qui semblait sortir du cube lui-même.

C’était une musique de Noël. Léo reconnut vaguement la mélodie de ‘Vive le vent’, mais elle était méconnaissable. Le tempo était ralenti à l’extrême, les notes étaient fausses, dissonantes, comme si l’air était joué sur un piano désaccordé au fond d’un puits. Chaque note tintait avec une résonance sinistre, transformant l’hymne joyeux en une complainte lugubre. C’était une chanson de Noël vidée de toute sa chaleur, de toute sa joie.

« Beurk, ça fiche la trouille, » frissonna Léo. « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

« Un signal de ‘maintien en vie’, » expliqua N.O.I.S.E.T. « Le drone émet constamment ce signal audio sur une micro-fréquence pour confirmer son statut opérationnel à son centre de commandement. Mais la modulation est… inhabituelle. »

Le robot manipula ses sondes. L’hologramme de l’onde sonore changea, s’étira, se superposa. Des couleurs apparurent, mettant en évidence des motifs cachés dans la distorsion.

« Le signal n’est pas seulement audio. La distorsion elle-même n’est pas aléatoire. C’est un masque de cryptage. La fausse note, la lenteur, chaque imperfection… c’est une couche de données. »

L’œil de N.O.I.S.E.T. projeta un rayon de lumière sur l’hologramme, qui se mit à tourner et à se reconfigurer, filtrant le bruit pour ne laisser qu’une seule information pure.

Une série de chiffres apparut, flottant dans l’air bleuté : 98.7 MHz.

« Une fréquence radio, » dit Léo, comprenant soudain. « C’est leur canal de communication secret ! »

« Exact, » confirma N.O.I.S.E.T. « Un canal qui émet depuis un point fixe quelque part dans Mont-Sapin. En triangulant cette fréquence, nous pourrons localiser la source d’émission. Probablement un relais ou une base d’opérations avancée du Syndicat. »

La musique sinistre s’arrêta brusquement, la batterie du drone étant finalement épuisée. Le silence qui s’installa dans la chambre était chargé d’une nouvelle détermination. Ils n’étaient plus dans le noir. Le Dr. Givre avait fait une erreur. Il leur avait laissé une piste, une note fausse dans sa symphonie du chaos. Et Léo et N.O.I.S.E.T. étaient bien décidés à la suivre.