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9 Décembre - J-16

Le silence du grand magasin était écrasant. Léo, caché derrière une exposition de maisons de poupées, fixait le Père Noël animatronique. La petite lumière rouge clignotant sur sa boucle de ceinture était sa cible. Il n’avait qu’à traverser l’atrium, grimper sur le trône et arracher l’émetteur. Simple, en théorie.

« Début de l’opération ‘Chaussette Percée’, » chuchota Léo à son sac à dos.

« Ce nom de code est non réglementaire et ridicule, » répondit immédiatement la voix de N.O.I.S.E.T. « Procédez avec la plus grande discrétion. »

Léo prit une profonde inspiration et se lança, courant à pas feutrés sur le sol carrelé. Il n’était qu’à mi-chemin de la scène quand un son horrible brisa le silence. La musique de Noël distordue, celle du drone, se mit à grésiller dans les haut-parleurs du magasin, une version cauchemardesque de ‘Mon Beau Sapin’.

C’était un piège.

Lentement, avec un grincement de métal rouillé, la tête du Père Noël géant pivota. Ses yeux bleus et joviaux s’éteignirent, pour se rallumer d’une lueur rouge sang. Son sourire peint semblait soudain carnassier. Une voix profonde et déformée gronda depuis sa poitrine, un ‘Ho-ho-ho’ qui ressemblait à un grondement de monstre.

« Intrusion détectée, » résonna la voix dans tout l’atrium. « Activation du protocole de défense Givre. »

Partout dans le magasin, les jouets s’animèrent. Dans le rayon des peluches, des dizaines d’ours en peluche, des petits et des géants, descendirent de leurs étagères. Leurs yeux de bouton semblaient fixer Léo avec une intention malveillante. Les elfes mécaniques autour du trône du Père Noël se redressèrent, leurs sourires figés se transformant en rictus, et ils armèrent leurs bras, tenant de faux cadeaux et des sucres d’orge en plastique comme des armes.

« Erreur tactique majeure, » constata N.O.I.S.E.T. depuis le sac. « L’émetteur était aussi un détecteur de mouvement. C’est une souricière. »

« Tu m’étonnes ! » hurla Léo alors que le premier ours en peluche lui fonçait dessus. Il l’esquiva d’une roulade, attrapa son skate et sauta dessus. Le sol lisse du magasin devint sa seule échappatoire.

Il fila entre les rayons, poursuivi par une armée de jouets démoniaques. Un elfe lui lança une boîte cadeau qui explosa en une pluie de paillettes collantes juste devant ses roues. Il dérapa, évitant de justesse de finir englué. Le bras massif du Père Noël s’abattit, manquant de l’écraser et pulvérisant un stand de toupies.

« Les coutures des ours ! Visez les coutures dorsales ! » criait N.O.I.S.E.T. « Et les genoux du Père Noël sont son point d’articulation le moins blindé ! »

Léo n’avait pas le temps pour la chirurgie textile. Il devait atteindre l’émetteur. Utilisant une rampe décorative comme tremplin, il s’envola par-dessus une horde d’oursons. Il sortit son Grappin Sucre d’Orge, tira sur un lustre en forme d’étoile et se balança au-dessus de l’atrium, les jouets déchaînés s’agitant sous lui.

Il se laissa tomber sur un grand comptoir de vente, glissant sur toute sa longueur et renversant des piles de boîtes. Il était maintenant face à face avec le trône, à quelques mètres seulement. Mais le Père Noël géant le fixait, ses mains de la taille d’un fauteuil prêtes à l’intercepter.

« Pas le choix ! » cria Léo. Il prit de l’élan, visa la poitrine du Père Noël et tira avec son grappin. Le crochet se planta dans le velours rouge. Le mécanisme de rétraction le propulsa directement vers le monstre mécanique. Il vola droit sur le Père Noël, qui leva une main pour l’attraper. Juste avant l’impact, Léo se servit du câble comme d’une liane, se balançant autour du torse de l’automate pour atterrir sur ses genoux.

Il se jeta sur la boucle de ceinture, agrippa l’émetteur brûlant et tira de toutes ses forces. Il y eut un bruit de fils arrachés et une gerbe d’étincelles.

Instantanément, tout s’arrêta. La musique dissonante se coupa net. Le bras du Père Noël se figea à quelques centimètres de lui. Les ours en peluche s’effondrèrent comme des sacs de pommes de terre. Le silence, absolu et soudain, était encore plus choquant que le vacarme.

Léo, haletant, tenait le boîtier fumant dans sa main. Il avait réussi. C’est alors qu’il entendit des cris et le bruit de plusieurs paires de bottes courant dans sa direction.

« Hé ! Qu’est-ce qui se passe ici ?! »

Les veilleurs de nuit arrivaient. Il était pris au piège.