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10 Décembre - J-15
L’évasion du magasin de jouets n’avait pas été aussi discrète que l’infiltration. Les veilleurs de nuit, alertés par le fracas, avaient appelé la police. Léo, dans sa fuite, avait été intercepté non pas par les forces de l’ordre, mais bien pire : par ses parents, réveillés par le coup de fil des autorités et qui l’attendaient sur le perron, les bras croisés et les visages de marbre, alors qu’il tentait de rentrer à trois heures du matin.
Le verdict était tombé au petit-déjeuner, plus froid que la glace sur les fenêtres. Léo était officiellement puni. Consigné dans sa chambre jusqu’à nouvel ordre. Pas de skate, pas d’amis, et, pire supplice, sa console de jeux et son téléphone étaient confisqués.
« C’est une catastrophe stratégique majeure, » déclara N.O.I.S.E.T., qui avait réussi à se glisser dans la maison sans être vu. Le robot-lutin arpentait le bureau de Léo, son pas mécanique résonnant comme le tic-tac d’une bombe à retardement. « L’agent principal est neutralisé, confiné à la base. La mission est compromise. »
« Dis-moi quelque chose que j’ignore, » grogna Léo, affalé sur son lit, fixant le plafond avec désespoir. « Je suis un agent secret cloué au sol. C’est ridicule. »
Pendant que Léo se lamentait, N.O.I.S.E.T. avait fini de disséquer l’émetteur arraché au Père Noël mécanique. Il projeta un nouvel hologramme.
« Analyse de l’appareil terminée. Il contenait un paquet de données résiduelles. Une adresse IP liée au réseau municipal de Mont-Sapin. Plus précisément, au système de sonorisation central qui gère toutes les annonces publiques et la musique d’ambiance de la ville. Le Syndicat ne se contentait pas d’utiliser le magasin comme relais, il se prépare à une attaque auditive à grande échelle. Il faut enquêter sur place. »
« Super. Va leur dire bonjour de ma part, » marmonna Léo, sarcastique.
N.O.I.S.E.T. s’arrêta. Son œil bleu pivota vers Léo, puis vers la manette de la console de jeux posée sur une étagère. Une idée sembla germer dans ses circuits logiques.
« Correction. L’agent principal n’est pas neutralisé. Il est redéployé en tant que ‘pilote à distance’. Votre expertise en jeux vidéo, jusqu’ici considérée comme un passif, peut devenir un atout. »
Dix minutes plus tard, la chambre de Léo s’était transformée en poste de commandement. N.O.I.S.E.T. avait, à l’aide de quelques câbles et d’un adaptateur de sa ceinture, connecté le communicateur sphérique à la manette de Léo. La sphère projeta un grand écran holographique devant Léo. N.O.I.S.E.T. se posta devant la cheminée.
« Je serai votre avatar sur le terrain. Vous serez mes yeux, mes réflexes, et mon stratège. Je transmettrai un flux vidéo en temps réel. Vous me guiderez via l’interface de commande. Compris, pilote ? »
Le visage de Léo s’illumina. Il n’était plus puni, il était en mission d’un nouveau genre. Il saisit la manette, ses doigts trouvant instinctivement leur place. « Cinq sur cinq, N.O.I.S.E.T. ! Allons-y ! »
Le petit robot disparut dans le conduit. Immédiatement, l’hologramme s’activa, affichant une vue à la première personne, teintée du bleu de l’optique de N.O.I.S.E.T. Léo vit le monde à cinquante centimètres du sol. Il guida le robot sur les toits enneigés, lui faisant sauter des obstacles d’une pression sur le bouton ‘A’.
« Agent, ce ‘saut de cabri’ n’est pas réglementaire ! » protesta la voix de N.O.I.S.E.T., grésillant dans les haut-parleurs miniatures installés à côté de l’hologramme.
« C’est plus rapide ! Fais-moi confiance, je connais tous les raccourcis ! » répondit Léo, totalement immergé.
Il guida son partenaire mécanique à travers les rues, se faufilant sous les voitures, grimpant aux gouttières, jusqu’au bâtiment technique abritant la régie sonore de la ville. Une fois à l’intérieur, Léo pilota N.O.I.S.E.T. à travers les couloirs déserts, utilisant ses réflexes de joueur pour éviter les caméras de surveillance et se cacher dans l’ombre d’un chariot de ménage. C’était le meilleur jeu vidéo de sa vie.
Enfin, ils atteignirent la salle des serveurs. N.O.I.S.E.T. se brancha sur le terminal principal. Sur l’écran de Léo, des lignes de code défilèrent avant de révéler un programme malveillant en sommeil : ‘Opération Jingle Hell’.
« Ils ont piraté tout le système, » murmura Léo.
TOC TOC.
Un coup frappé à la porte de sa chambre le fit sursauter. « Léo ? Tu as fini tes devoirs ? » demanda la voix de sa mère.
Paniqué, Léo débrancha tout en une fraction de seconde. L’hologramme disparut. Il jeta la manette sous son lit et se précipita sur son bureau, ouvrant un livre de maths au hasard.
« Presque fini, Maman ! » cria-t-il, le cœur battant à cent à l’heure. Il était coincé dans sa chambre, mais il n’avait jamais été aussi loin au cœur de l’action.