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12 DÉCEMBRE - 12 jours avant Noël

La musique de Noël, un mélange de grelots et de chœurs joyeux, flottait dans l’air glacial du Marché de Noël de Mont-Sapin. Des guirlandes lumineuses couraient d’un chalet en bois à l’autre, jetant une lueur dorée sur les visages emmitouflés des passants. L’odeur du vin chaud, du pain d’épices et des sapins fraîchement coupés était si dense qu’on aurait presque pu la goûter.

« Léo, tu es sûr que ça va ? Tu n’as pas dit un mot depuis une heure », s’inquiéta sa mère en ajustant son bonnet.

« Hein ? Ah, oui, oui, ça va. Je… je réfléchis au cadeau de Mamie », mentit Léo, les yeux balayant la foule. Il n’était pas là pour flâner. Depuis que N.O.I.S.E.T. avait découvert le piratage du système de sonorisation de la ville, le marché était devenu la zone zéro de leur enquête.

Dans son sac à dos, une petite vibration se fit sentir. Un message s’afficha sur la lentille de ses lunettes à réalité augmentée, un gadget qu’il avait reçu deux jours plus tôt. « Alerte. Fluctuation énergétique majeure détectée. Source localisée derrière le chalet ‘Le Régal Savoyard’. Coordonnées transmises. »

Le cœur de Léo s’emballa. C’était le moment.
« Maman, Papa, j’ai super soif ! Je peux aller me chercher un chocolat chaud au stand là-bas ? » lança-t-il en désignant une échoppe à l’opposé de leur direction.
« Fais attention, ne te perds pas ! » répondit son père, absorbé par une démonstration de sculptures sur glace.

« Promis ! »

Léo se faufila dans la cohue, son skateboard sous le bras. Il ne suivit pas la direction du chocolat chaud mais bifurqua vers une allée plus sombre et moins fréquentée. Le chalet « Le Régal Savoyard » vendait des fromages si forts que la plupart des gens préféraient garder leurs distances. Parfait pour une opération secrète.

Derrière le chalet, à l’abri des regards, une petite antenne parabolique, astucieusement déguisée en étoile de Noël géante, était fixée à un poteau. Elle bourdonnait d’une énergie malveillante. Et juste à côté, un homme se tenait immobile, les mains gantées de cuir noir croisées dans le dos. Il portait un long manteau de laine sombre, si impeccable qu’il semblait absorber la lumière joyeuse alentour. Ses cheveux argentés étaient coiffés avec une précision militaire, et son profil, tourné vers l’antenne, était aussi acéré et froid qu’un stalactite.

« Analyse en cours… Correspondance vocale probable avec l’interlocuteur du ‘Syndicat du Charbon’. Nom de code : Dr. Givre. Niveau de menace : Élevé. Protocole : Observation et Retraite. » clignota le message de N.O.I.S.E.T.

Mais Léo n’avait pas l’intention de battre en retraite. C’était lui. L’architecte de tout ce chaos. Poussé par une vague d’adrénaline et un peu trop de films d’espionnage, Léo fit un pas en avant.
« Votre petit jeu est terminé », lança-t-il d’une voix qu’il espérait plus grave et assurée qu’elle ne l’était vraiment.

L’homme se tourna lentement. Son regard était d’un bleu polaire. Il détailla Léo de haut en bas : le sweat à capuche rouge, l’écharpe démesurée, le sac à dos qui brillait bizarrement et le skateboard. Un léger froncement de sourcils marqua son irritation.
« Pardon ? Jeune homme, si tu es perdu, tes parents doivent s’inquiéter. Va-t’en. »

Sa voix était calme, posée, mais chargée d’un mépris glacial.
« Je ne suis pas perdu », rétorqua Léo, le cœur battant à tout rompre. « Je sais tout pour votre message subliminal et le carburant de charbon actif. L’Opération Flocon Rouge vous a à l’œil. »

À la mention de l’opération, un éclair de surprise traversa le visage du Dr. Givre. Sa posture changea. Il se pencha très légèrement, comme un prédateur examinant une proie inattendue. Le masque d’irritation laissa place à une curiosité froide et analytique.
Il fixa Léo, puis le sac à dos, puis de nouveau le visage de l’adolescent. Un silence tendu s’installa, seulement brisé par un lointain « Jingle Bells ».

Puis, un sourire fin, dépourvu de la moindre chaleur, étira les lèvres du Dr. Givre.
« Alors… c’est donc vous », murmura-t-il, presque pour lui-même. « Le grand agent secret envoyé par le Pôle Nord pour contrecarrer mes plans… n’est qu’un gamin en skate. »

Il eut un petit rire sec, un son aussi désagréable que le crissement de la glace.
« Comme c’est… décevant. Je m’attendais à un adversaire à ma hauteur. »

Sans un mot de plus, il se détourna, rajusta le col de son manteau et s’éloigna d’un pas tranquille, disparaissant dans la foule festive comme un fantôme. Il n’avait pas attaqué. Il n’avait pas menacé. Il avait fait pire : il avait montré à Léo qu’il ne le considérait même pas comme une menace.

Léo resta figé, le souffle court. La réalité de la situation le frappa de plein fouet. Ce n’était plus un jeu vidéo. L’ennemi avait un visage, un nom, et maintenant, il savait que son adversaire n’était qu’un lycéen de quatorze ans. Le compte à rebours avant Noël venait de prendre une tournure bien plus personnelle et terrifiante.

« LÉO ! On te cherche partout ! »

La voix de sa mère le tira de sa torpeur. Il se hâta de les rejoindre, le visage pâle.
« Ton chocolat, il a dû refroidir, non ? », demanda son père.
« Non… non, j’ai changé d’avis », balbutia Léo. « On peut rentrer ? J’ai un peu froid, tout à coup. »