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15 DÉCEMBRE - 9 jours avant Noël

L’aube du 15 décembre se leva sur une ville fantôme. Le grand black-out tenait toujours Mont-Sapin dans sa poigne glaciale. Chez Léo, le petit-déjeuner se prenait à la lueur des bougies, créant de longues ombres dansantes sur les murs. L’ambiance était morose. La radio à piles, seule source d’information, crachotait des nouvelles peu rassurantes.

« …les autorités sont toujours perplexes face à cette panne d’une ampleur inédite. Les services essentiels sont mis à rude épreuve. La situation est particulièrement critique à l’hôpital central, dont le générateur de secours principal semble avoir subi une avarie inexplicable… »

La mère de Léo laissa échapper un petit cri d’angoisse. « Oh non… Ma cousine Julie y travaille. Elle m’a dit qu’ils devaient organiser la grande fête de Noël pour les enfants du service de pédiatrie aujourd’hui. C’est le seul moment de joie qu’ils ont de toute l’année. »

Ces mots frappèrent Léo plus durement que n’importe quel coup des Casse-Noisettes. Le Dr. Givre ne s’attaquait pas seulement à des infrastructures ; il volait l’espoir, particulièrement celui des plus vulnérables. Son estomac se serra de colère.

« Je… je vais voir si Tom va bien. Sa rue est peut-être moins touchée », lança-t-il, se levant brusquement de table.
« Fais bien attention, Léo. Et mets ton gros manteau ! »

Une fois dans sa chambre, il enfila son sweat à capuche rouge et son écharpe. N.O.I.S.E.T. l’attendait sur son bureau, son œil bleu fixé sur lui.
« L’objectif prioritaire reste l’identification de la source d’énergie du Dr. Givre dans la tour de l’horloge », déclara le robot-lutin d’un ton réglementaire. « La situation de l’hôpital est une mission secondaire. »

« Non, N.O.I.S.E.T. », rétorqua Léo en le plaçant délicatement dans son sac à dos. « Sauver Noël, ce n’est pas juste protéger le traîneau du Père Noël. C’est aussi s’assurer que des enfants ne passent pas la journée dans le noir et le froid. C’est ça, l’esprit de Noël que Givre essaie de détruire. On y va. »

Dehors, la ville était méconnaissable. Le silence n’était brisé que par le bruit de son skateboard sur le bitume gelé. Il arriva rapidement devant l’hôpital, un grand bâtiment moderne dont les fenêtres étaient autant de rectangles sombres et morts. Profitant de la confusion qui régnait à l’entrée, il se glissa à l’intérieur.

« Capteurs thermiques activés », murmura N.O.I.S.E.T. depuis son sac. « Le générateur de secours doit se trouver au sous-sol. Suivez le conduit de ventilation principal. »

Léo obéit, descendant des escaliers de service plongés dans une obscurité quasi totale, seulement percée par la lueur de son sac à dos. Il atteignit une lourde porte métallique marquée « LOCAL TECHNIQUE - GÉNÉRATEUR ». Il la poussa et entra dans une immense salle caverneuse, remplie de tuyaux et d’une machinerie imposante. Au centre trônait le générateur, silencieux et inerte.

« Le diagnostic est formel », annonça N.O.I.S.E.T. après quelques secondes d’analyse. « Ce n’est pas une panne. C’est un sabotage. Le régulateur de flux plasmatique principal a été entièrement gelé par un agent cryogénique concentré. Signature : Dr. Givre. »

Sur la console de la machine, une couche de givre anormalement épaisse, presque noire, recouvrait une pièce maîtresse. Elle pulsait d’un froid surnaturel.
« Comment on répare ça ? », demanda Léo.
« Réparation impossible sans un apport calorifique précis et intense. Le Pôle Nord a prévu ce genre de sabotage. Déploiement du gadget ‘Choco-Chaud 3000’. »

Un petit objet ressemblant à une gourde métallique high-tech s’éjecta du sac. Léo l’attrapa. Une buse fine se déploya à son extrémité.
« Visez le centre du composant gelé. Attention, une chaleur excessive pourrait faire sauter tout le système. La marge d’erreur est de 0.2 seconde. »

Le cœur battant, Léo s’approcha. Il posa la buse du Choco-Chaud 3000 contre le givre. Sur une pression, un rayon de chaleur rouge et intense jaillit, faisant grésiller et fondre la glace dans un nuage de vapeur. L’œil de N.O.I.S.E.T. clignotait frénétiquement, analysant les données.
« Maintenez… maintenez… MAINTENANT ! »

Léo coupa le rayon. Le givre avait disparu, révélant la pièce métallique intacte. Un voyant vert clignota sur le tableau de bord.
« Réamorçage manuel requis », indiqua N.O.I.S.E.T. « Le grand levier rouge, Agent Léo ! »

Léo agrippa l’énorme levier de démarrage. Il était lourd, rouillé. Il tira de toutes ses forces, les muscles de ses bras brûlants. Rien. Il prit une grande inspiration, planta ses pieds au sol et tira de nouveau, un cri d’effort s’échappant de ses lèvres. Le levier bougea, lentement, dans un grincement assourdissant. Puis, avec un grand CLANG métallique, il s’enclencha.

Le générateur toussa, cracha une fumée noire, puis se mit à vrombir. Le son puissant emplit la salle. Les néons du plafond clignotèrent, puis s’allumèrent d’une lumière blanche et crue. Par un soupirail, Léo vit les fenêtres de l’hôpital s’illuminer les unes après les autres. Quelques instants plus tard, une musique de fête joyeuse et lointaine leur parvint. La fête était sauvée.

Épuisé mais souriant, Léo s’adossa contre le mur. Il n’avait pas affronté de méchant, mais il avait gagné une bataille bien plus importante aujourd’hui.