Épisode 16 : Un tour sur les toits

16 DÉCEMBRE - 8 jours avant Noël

Le courant était revenu, mais la ville de Mont-Sapin semblait retenir son souffle. La joie des lumières retrouvées était teintée d’une inquiétude palpable. Dans sa chambre, Léo observait la tour de l’horloge au loin, dont la lueur sinistre avait disparu, comme si la bête s’était rendormie après son repas d’énergie.

« Agent Léo, votre intervention à l’hôpital était une réussite », déclara N.O.I.S.E.T., effectuant une maintenance de ses mini-gadgets sur le bureau. « Elle a permis de restaurer le moral des troupes civiles, un facteur non négligeable. Cependant, notre objectif principal demeure. Le Dr. Givre prépare sa prochaine action. »

« Je sais. Mais comment l’atteindre ? La tour est probablement gardée par des dizaines de Casse-Noisettes », soupira Léo, s’affalant sur sa chaise. Naviguer au niveau du sol était devenu trop risqué.

Comme en réponse à sa question, une colonne de lumière scintillante, semblable à des flocons de neige numériques, se matérialisa au centre de la pièce. Elle se condensa lentement pour former un long paquet rectangulaire enveloppé d’un papier cadeau holographique aux couleurs du Pôle Nord.

« Livraison spéciale du Quartier Général », annonça N.O.I.S.E.T. sans la moindre surprise. « Autorisation de niveau ‘Flocon Rouge’. »

Léo, les yeux ronds, se précipita pour déchirer l’emballage virtuel, qui se dissipa en étincelles au contact de ses doigts. À l’intérieur reposait un snowboard. Mais pas n’importe lequel. Sa surface était d’un noir mat qui absorbait la lumière, parcourue de circuits qui pulsaient d’une faible lueur cyan. Deux petits réacteurs, discrets et élégants, étaient intégrés à l’arrière.

« Le Snowboard à Propulsion Ionique, modèle V. Une merveille de technologie lutine », expliqua N.O.I.S.E.T. en consultant une notice projetée par son œil. « Permet un déplacement silencieux sur surfaces à faible friction, avec capacité de saut assisté. Attention : le manuel déconseille formellement une utilisation à plus de 88% de la puissance sans une formation de six mois. »

Léo n’écoutait déjà plus. Il avait attrapé la planche, sentant sa légèreté et sa puissance. Une formation de six mois ? Il avait huit jours ! Ses yeux brillèrent d’une idée folle.

« Les toits… », murmura-t-il.

« Agent Léo, c’est de la folie. La topographie est instable, les conditions de vent imprévisibles… »

« C’est le terrain d’entraînement parfait ! Personne ne nous verra là-haut. Et toute la ville est couverte de neige. C’est plus sûr qu’une piste de ski ! »

Ignorant les protestations de son partenaire robotique, Léo enfila ses bottes d’hiver, attrapa son sac à dos et ouvrit la fenêtre de sa chambre. L’air glacial de la nuit s’engouffra à l’intérieur. Il posa précautionneusement le snowboard sur la neige épaisse qui recouvrait le toit de sa maison.

« Si nous tombons, je ferai en sorte que mon rapport post-mortem stipule clairement votre insubordination », grogna N.O.I.S.E.T. en s’agrippant fermement à la bretelle de son sac à dos.

Léo chaussa les fixations magnétiques qui s’ajustèrent à ses bottes avec un clic satisfaisant. En contrebas, Mont-Sapin étalait son tapis de lumières scintillantes. Il se sentait comme au sommet du monde. D’une légère pression du pouce sur une commande au-dessus de la fixation avant, les propulseurs s’allumèrent avec un doux sifflement.

La planche glissa en avant, d’abord doucement, puis de plus en plus vite. Le vent fouetta son visage. C’était comme faire du skate, mais sans la friction, sans le bruit. Une pure sensation de glisse. Il atteignit le bord du toit de sa maison, qui surplombait celui, un peu plus bas, de son voisin.

« On va sauter ! » cria Léo, euphorique.

Il plia les genoux et, au dernier moment, donna une petite impulsion aux propulseurs. Le snowboard le souleva de la neige et il plana dans les airs pendant quelques secondes, flottant au-dessus du vide avant d’atterrir en douceur dans la poudreuse du toit suivant. C’était incroyable.

Prenant confiance, il accéléra, surfant sur les pentes des toits, utilisant les cheminées comme des slaloms, sautant d’un bâtiment à l’autre. Il était rapide, silencieux, invisible. Il était une ombre filant sous la lune d’hiver. C’était plus qu’un gadget ; c’était la liberté. C’était la clé qui lui permettrait de défier Givre sur son propre terrain.

Avec ce nouvel atout, la tour de l’horloge ne semblait plus si inaccessible.