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17 DÉCEMBRE - 7 jours avant Noël
La cloche du collège retentit, libérant un flot d’élèves emmitouflés dans le froid piquant de l’après-midi. Léo marchait aux côtés de Tom, son meilleur ami, mais son esprit était à des kilomètres au-dessus de leurs têtes, surfant sur les toits enneigés. La sensation de glisse sur son snowboard ionique, la ville s’étalant sous lui comme une carte au trésor lumineuse… c’était addictif. Et dangereux.
« …et là, le prof de maths a dit que ma réponse était ‘conceptuellement audacieuse mais numériquement catastrophique’ », racontait Tom en donnant un coup de pied dans un tas de neige. Il s’arrêta, remarquant que Léo n’écoutait pas. « Léo ? Allô la Terre ? Tu es avec moi ? »
Léo sursauta. « Hein ? Oh, désolé. Audacieux mais catastrophique, ouais. C’est… c’est tout toi. »
Tom ne rit pas. Il s’arrêta net au milieu du trottoir, forçant Léo à faire de même. Son visage habituellement jovial était sérieux, ses sourcils froncés par l’inquiétude.
« Qu’est-ce qui se passe, Léo ? Vraiment. »
« Quoi ? Rien. Je suis juste fatigué. »
« Non, ce n’est pas que ça », insista Tom, sa voix plus basse. « Au Marché de Noël, tu as disparu. À la patinoire, c’était encore pire. Tu t’es enfui juste avant que ces types bizarres en costume n’arrivent. On aurait dit qu’ils te cherchaient. Tu es tout le temps ailleurs, tu as des cernes pas possibles, et hier soir, j’ai vu des flashs bleus bizarres depuis la fenêtre de ta chambre. Arrête de me dire que tout va bien. »
Chaque mot de Tom était une accusation précise qui touchait sa cible. Léo sentit son cœur se serrer. Il était coincé. Une partie de lui, la partie qui était juste un adolescent effrayé, voulait tout lui raconter : l’Agent N.O.I.S.E.T., le Dr. Givre, la mission pour sauver Noël. Le poids de ce secret était devenu si lourd.
Dans son dos, il sentit une légère vibration, presque imperceptible. Un message s’afficha sur le coin de sa rétine, via ses lunettes discrètes : « PROTOCOLE DE SÉCURITÉ 1A. NE JAMAIS COMPROMETTRE UN CIVIL. MAINTENIR LA LÉGENDE À TOUT PRIX. »
N.O.I.S.E.T. avait raison. Impliquer Tom, c’était le mettre en danger. Dr. Givre et ses Casse-Noisettes ne feraient pas de distinction. Léo devait le protéger, même si cela signifiait lui faire du mal.
Il prit une grande inspiration, évitant le regard de son ami. « Écoute, Tom… C’est compliqué. »
« Alors explique-moi ! Je suis ton meilleur ami, non ? On peut tout régler ensemble. »
Léo secoua la tête, le mensonge se formant péniblement dans sa gorge. « Tu ne peux pas m’aider. C’est… c’est à la maison. Mes parents… ils se disputent beaucoup en ce moment. C’est pour ça que je suis bizarre, que je sors la nuit pour… prendre l’air. J’ai juste besoin d’être seul. »
Le mensonge était horrible, lâche, et il le détestait. Mais c’était la seule chose qui lui était venue à l’esprit, une excuse si personnelle que Tom n’oserait pas insister.
Le visage de Tom changea instantanément. L’inquiétude et la suspicion furent remplacées par la compassion et la gêne. « Oh. Léo, je… je ne savais pas. Je suis désolé. »
« C’est rien », marmonna Léo, se sentant encore plus misérable. « Je ne veux juste pas en parler, ok ? »
Cette dernière phrase était la plus cruelle. Il voyait bien qu’il repoussait la main tendue de son ami. Il créait un fossé entre eux, volontairement.
« D’accord », dit Tom, l’air blessé malgré tout. Il recula d’un pas. « Si… si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où me trouver. »
Léo hocha la tête, incapable de le regarder. Il entendit les pas de Tom s’éloigner dans la neige, le laissant seul dans le silence grandissant du soir. Les lumières de Noël qui commençaient à s’allumer dans les rues lui parurent soudain bien moins joyeuses.
« Le subterfuge a fonctionné. L’intégrité de la mission est préservée », grésilla la voix de N.O.I.S.E.T. depuis son sac. « La gestion du facteur émotionnel est une compétence clé de l’agent de terrain. »
Léo ne répondit pas. Il serra les poings dans ses poches. Il avait réussi sa mission, oui. Mais il avait l’impression d’avoir perdu quelque chose de bien plus précieux.