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18 DÉCEMBRE - 6 jours avant Noël
Le retour du collège avait un goût amer. Le silence de Tom pesait plus lourd sur les épaules de Léo que son sac à dos rempli de gadgets. En rentrant chez lui, il trouva la maison vide et silencieuse. Ses parents travaillaient tard, ce qui lui laissait quelques heures de répit. Ou du moins, c’est ce qu’il croyait.
Il monta directement dans sa chambre, posa son skate contre le mur et s’approcha de la fenêtre pour sa ronde d’observation habituelle : une vue dégagée sur les toits menant vers la tour de l’horloge. Il poussa le loquet et ouvrit la fenêtre pour mieux sentir l’air glacial.
CLIC. Un son métallique discret, non pas de la fenêtre, mais de l’extérieur. Avant qu’il ne puisse réagir, un dispositif caché sous le rebord de la fenêtre s’activa avec un pschiiit visqueux. Une substance épaisse, scintillante et couleur pain d’épices gicla à l’intérieur, recouvrant la vitre, le rebord, son bureau et une large partie du sol d’une nappe collante qui se figea presque aussitôt.
Léo recula d’un bond, le cœur cognant contre ses côtes. C’était un piège. Ils l’avaient trouvé. Ils savaient où il habitait.
« Alerte ! Intrusion ! Substance hostile détectée ! », crépita N.O.I.S.E.T. en sortant du sac à dos, son œil bleu balayant la scène. Il sauta sur le bureau, évitant de justesse une flaque de la mélasse brillante. « Analyse… Composition moléculaire complexe. Adhésif à signature cryo-énergétique. Alias : ‘Mélasse du Grincheux’. Conçu pour l’immobilisation des agents de terrain. L’ennemi connaît votre position, Agent Léo. Le sanctuaire est compromis. »
La panique s’empara de Léo. Il entendit le bruit lointain d’un moteur de voiture. Ses parents ! Ils allaient rentrer d’une minute à l’autre. Comment expliquer une marée de glue magique à l’odeur de bonbon sur son plancher ?
« On doit nettoyer ! Vite ! », haleta Léo, cherchant frénétiquement une éponge, un chiffon, n’importe quoi.
« Négatif. Les solvants conventionnels renforceront la liaison moléculaire. Recours à la contre-mesure 7-B. Déploiement du ‘Dissolvant Flocon Poudré’. »
Une petite cartouche grise, pas plus grosse qu’un marqueur, fut éjectée d’un compartiment du robot-lutin. Léo l’attrapa. Sur une pression, elle libéra une fine poudre blanche et effervescente.
« Appliquez une couche uniforme ! Ne respirez pas les émanations ! Et dépêchez-vous ! Je détecte le signal du véhicule parental entrant dans l’allée ! »
La course contre la montre commença. Léo saupoudra la poudre sur la mélasse. Au contact, la substance se mit à grésiller et à se sublimer, se transformant en une vapeur inodore qui s’évanouissait dans l’air. C’était un travail minutieux et terrifiant. Il entendit la portière de la voiture claquer. Puis la clé dans la serrure de la porte d’entrée.
« Léo ? On est rentrés ! », appela la voix de sa mère.
Il donna un dernier coup de spray sur la dernière tache, juste au moment où les pas de son père commençaient à monter l’escalier. Il jeta la cartouche vide dans son sac, referma la fenêtre et se laissa tomber sur sa chaise de bureau, le cœur battant à tout rompre, essayant de paraître nonchalant.
La porte s’ouvrit. « Ah, te voilà. Le dîner est presque prêt. »
Le repas fut la plus longue épreuve de sa vie. Assis à table, face à ses parents souriants qui parlaient de leur journée, Léo se sentait comme un prisonnier en attente de son exécution. Chaque bruit de l’extérieur le faisait sursauter. Il s’attendait à voir un Casse-Noisette défoncer la porte à tout moment. Il avait du mal à avaler sa nourriture, ses mains tremblaient si légèrement qu’il les cacha sous la table.
« Tu ne dis rien ce soir, mon grand. Et tu es tout pâle », remarqua son père. « C’est encore cette histoire entre nous qui te tracasse ? »
Léo saisit la perche empoisonnée qu’il avait lui-même tendue. « Non, non. Juste… fatigué du collège. »
Il se força à sourire, un rictus qui lui coûta une énergie folle. Il était un agent double dans sa propre maison. La chaleur de la salle à manger, l’odeur du gratin, les rires de ses parents, tout ce qui représentait la sécurité et le bonheur était désormais teinté d’une peur viscérale. Ils étaient en danger à cause de lui.
Une fois le dîner terminé, il s’excusa et monta dans sa chambre. Il ferma la porte à clé, s’adossa contre elle et glissa jusqu’au sol, la tête entre les mains, enfin capable de trembler librement. La guerre n’était plus sur les toits ou dans les rues. Elle était là, dans sa maison. Et il était terrifié.
