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19 DÉCEMBRE - 5 jours avant Noël

La nuit était tombée depuis des heures, mais le sommeil fuyait Léo. Chaque craquement de la vieille maison était une menace potentielle, chaque ombre dans le couloir, un Casse-Noisette en attente. Le piège de la veille avait brisé sa dernière illusion de sécurité. Sa propre chambre était devenue une ligne de front.

« Analyse de l’échantillon de ‘Mélasse du Grincheux’ terminée », annonça N.O.I.S.E.T. depuis le bureau, son œil bleu projetant un hologramme d’une double hélice moléculaire scintillante. « La substance contient des traceurs cryo-énergétiques résiduels. J’ai croisé ces données avec le spectre énergétique absorbé lors de la panne générale. La corrélation est de 100%. »

L’hologramme changea pour afficher une carte de Mont-Sapin, avec des lignes d’énergie convergeant toutes vers un seul point clignotant en rouge.
« La source est confirmée », conclut le robot-lutin. « Le quartier général du Dr. Givre, sa machine, et la source de tous nos ennuis se trouvent au sommet de la vieille tour de l’horloge. »

Léo fixa le point rouge. C’était donc là. Le cœur de l’opération ennemie. Il se sentait à la fois terrifié et déterminé.
« On ne peut pas y aller à l’aveugle. Il faut savoir ce qui nous attend. Combien de gardes, quel genre de sécurité… Il me faut un plan. »

« Une mission de reconnaissance est une manœuvre standard, mais extrêmement risquée. Le Syndicat vous attend. »

« Ils m’attendent au sol », rétorqua Léo, son regard se posant sur le snowboard ionique appuyé contre le mur. « Mais pas dans le ciel. Je pars cette nuit. »

Quelques heures plus tard, après s’être assuré que ses parents dormaient profondément, Léo enfila son équipement. Le silence de la maison était pesant alors qu’il ouvrait sa fenêtre. L’air nocturne, pur et glacial, semblait promettre à la fois le danger et la liberté.

« Soyez prudent, Agent Léo. Mon analyse de risques dépasse les seuils recommandés », fut le dernier avertissement de N.O.I.S.E.T., bien arrimé dans son sac à dos.

La glisse sur les toits était devenue une seconde nature. Il fila à travers la ville endormie, une ombre silencieuse sur la neige scintillante. Il atteignit un toit d’immeuble qui faisait directement face à la tour de l’horloge, se postant derrière une cheminée pour rester à couvert.

La tour était sombre, imposante, silencieuse. Mais les gadgets de Léo voyaient ce que l’œil nu ne pouvait pas. Il sortit une paire de jumelles tactiques, un autre cadeau du Pôle Nord. En mode thermique, il vit instantanément les silhouettes chaudes de plusieurs Casse-Noisettes patrouillant derrière les fenêtres des étages supérieurs. En mode énergétique, le sommet de la tour, là où se trouvait le grand cadran, brillait d’une puissance contenue, comme un volcan sur le point d’entrer en éruption.

Il enregistra tout : les rondes des gardes, les points faibles apparents dans la structure, les flux d’énergie. Il avait ce qu’il était venu chercher. L’aube n’était plus très loin ; il était temps de rentrer.

Le retour fut rapide. L’adrénaline commençait à s’estomper, laissant place à une profonde fatigue. Il atterrit en douceur sur le toit de sa propre maison, le ciel commençant à peine à pâlir d’un gris bleuté à l’est. Il déchaussa le snowboard, le prit sous son bras et s’approcha de sa fenêtre laissée entrouverte.

Il passa une jambe par-dessus le rebord, puis la seconde, se posant sur le sol de sa chambre dans le plus grand silence. Il se retourna pour refermer la fenêtre et se figea.

La porte de sa chambre était entrouverte, laissant passer une fine bande de lumière du couloir. Et il entendit des pas. Des pas lents, fatigués. Ceux de son père.

La panique le saisit. Il était coincé. Son père se dirigeait vers la cuisine. Il allait passer juste devant sa porte. Léo retint son souffle, se pressant contre le mur à côté de la porte, espérant se fondre dans l’ombre. Son cœur battait si fort qu’il était sûr que toute la maison pouvait l’entendre.

La silhouette de son père passa devant l’embrasure, un spectre ensommeillé en pyjama. Il ne tourna pas la tête. Il continua son chemin.

Léo attendit dix secondes qui durèrent une éternité. Puis, avec des gestes infiniment lents, il tendit la main et referma sa porte sans un bruit. Il s’adossa contre le bois, les jambes tremblantes, le snowboard glissant de ses doigts pour tomber mollement sur la moquette. Il ferma les yeux, le front perlant de sueur froide malgré le gel de la nuit. Il avait réussi sa mission, mais il venait de comprendre que le plus grand danger n’était peut-être pas le Dr. Givre, mais de se faire prendre par ses propres parents.