22 DÉCEMBRE - 2 jours avant Noël

La chambre de Léo était devenue une prison dorée. Le thé au miel remplaçait les missions, et les prises de température, les débriefings tactiques. Toutes les deux heures, sa mère ou son père entrait sur la pointe des pieds, lui apportait un bouillon ou lui racontait une anecdote pour lui remonter le moral. La fenêtre était verrouillée de l’intérieur avec une clé que son père avait mise dans sa poche « juste au cas où ». La nuit, il entendait le léger déclic de la porte de sa chambre qu’on fermait à clé de l’extérieur. Ils pensaient le protéger de lui-même ; en réalité, ils l’empêchaient de protéger le monde.

Allongé dans son lit, Léo fixait le plafond, se sentant plus inutile que jamais. N.O.I.S.E.T. était en mode silencieux sur son bureau, conservant son énergie.

Puis, un son se fit entendre. Pas un son aigu, mais une vibration basse, profonde, qui fit trembler la vitre de la fenêtre. Léo se redressa d’un bond. Il se précipita vers la fenêtre et ce qu’il vit lui fit l’effet d’un coup de poing dans l’estomac.

Au sommet de la tour de l’horloge, un vortex d’énergie verte et noire tourbillonnait comme un ouragan surnaturel. Il aspirait les nuages bas, crépitait d’éclairs sombres. La machine du Dr. Givre était entrée dans sa phase finale.

Sur le bureau, N.O.I.S.E.T. s’activa, son œil projetant des graphiques affolés sur le mur.
« Activation finale du Siphon d’Esprit Festif ! » sa voix grésilla, pleine d’une urgence synthétique. « Le Dr. Givre prépare le drainage mondial ! Synchronisation prévue avec le décollage du traîneau du Père Noël. Il nous reste moins de 48 heures pour stopper le processus. Agent Léo, l’intervention est critique ! »

« Je sais ! Mais comment ? » cria Léo en secouant la poignée de porte, qui ne bougea pas d’un millimètre. Il donna un coup sur la vitre de la fenêtre, qui résista sans ciller. « Je suis piégé ! »

Un instant de silence. N.O.I.S.E.T. balaya la pièce de son œil analyseur. La porte. La fenêtre. Puis son regard se posa sur une petite grille métallique près du sol.
« Le conduit de ventilation », déclara-t-il. « Une architecture du 20e siècle, pleine de failles. C’est notre seule voie de sortie. »

Le plan ‘Mission Impossible Domestique’ était lancé. Léo attrapa le tournevis multi-têtes de son sac et dévissa silencieusement la grille. Un trou noir et poussiéreux s’ouvrit à lui.
« Tu ne passeras jamais, tes épaules sont trop larges », constata Léo.
« Négatif. Je ne suis pas le passager. Je suis le déverrouilleur. Votre mission : me faire descendre dans le couloir de l’autre côté de la porte. »

Léo improvisa. Il noua ses lacets, la ceinture de son peignoir, et même deux paires de chaussettes pour créer une corde de fortune. Il y attacha solidement N.O.I.S.E.T.
« Prêt ? » demanda Léo, allongé sur le ventre, le visage au-dessus du trou noir.
« Toujours prêt, Agent Léo. Procédez. »

Il commença à faire descendre son partenaire dans l’obscurité. Dans le conduit, le robot-lutin utilisa son œil comme une lampe torche, évitant des toiles d’araignées centenaires et un vieux jouet oublié. Le plan était de trouver une sortie dans le couloir, de se faufiler jusqu’à la porte, et d’utiliser un de ses mini-outils pour tourner la clé laissée de l’autre côté du trou de la serrure.

Soudain, Léo entendit un bruit en bas. Le son de la télévision s’était arrêté. Un de ses parents se levait. Il immobilisa la corde, le cœur battant à grands coups.
« Tu as entendu quelque chose ? », murmura la voix de son père.
« C’est le vent, chéri. Rallume le film », répondit sa mère.

Après une attente qui parut une éternité, le son d’un vieux film de Noël reprit. Léo recommença sa manœuvre. N.O.I.S.E.T. atteignit enfin une grille dans le couloir. Il la poussa, se laissa tomber sur la moquette, et se précipita vers la porte. Avec une pince de précision, il attrapa le bout de la clé qui dépassait, et tourna. Un clic minuscule, presque inaudible, retentit.

Léo ouvrit la porte avec une lenteur infinie. Il était libre. Il récupéra N.O.I.S.E.T., enfila son sweat, attrapa son sac et son snowboard. En passant devant le salon, il vit ses parents, endormis l’un contre l’autre sur le canapé, baignés dans la lueur douce de la télévision. Une vague de culpabilité le submergea, mais le vortex vert qui pulsait au loin, visible même depuis cette fenêtre, lui rappela ce qui était en jeu.

Il se glissa dehors dans la nuit glaciale. Le combat final l’attendait.