24 DÉCEMBRE - 23:45

La rage de Léo est un feu silencieux qui a remplacé la peur. Devant lui, les débris fumants de son ami. Dans son dos, le rire suffisant du Dr. Givre. Le compte à rebours sur l’écran géant affiche : 00:14:32.

« Touchant, » dit Givre d’un ton glacial. « Ce petit jouet avait plus de cœur que prévu. Mais le cœur, mon garçon, ne peut rien contre la logique. Tu es seul. Tu as échoué. »

Léo ne répond pas. Il serre dans sa main la seule pièce intacte qu’il a pu ramasser : une petite vis en laiton, encore chaude. Le souvenir de N.O.I.S.E.T. n’est pas une faiblesse, c’est une armure.

« Le règlement n’a jamais parlé des partenaires, » murmure Léo pour lui-même.

Avec une vitesse qu’il ne se connaissait pas, il lance son Grappin Sucre d’Orge non pas vers une poutre, mais vers la grande vitre du beffroi. Le verre explose vers l’extérieur. Sans un regard en arrière, Léo saute dans le vide.

« Quoi ?! » s’exclame Givre, se précipitant vers l’ouverture. Il ne voit qu’une silhouette rouge se balançant dans la nuit, filant vers la place de la ville en contrebas.

Léo atterrit en roulade sur un tas de neige, au pied du gigantesque sapin de Noël de Mont-Sapin. Les lumières de l’arbre clignotent faiblement, comme si elles luttaient pour ne pas s’éteindre. Le bourdonnement de la machine du Dr. Givre est une migraine qui pèse sur toute la ville. Il lève les yeux vers la tour de l’horloge. Attaquer de front est impossible.

Il se souvient des derniers mots de son ami : « Protocole… Flocon Rouge. »

Fébrilement, il fouille son sac à dos high-tech. Au fond, sous les câbles et les restes d’emballages de barres chocolatées, il trouve un compartiment secret. À l’intérieur, un objet qu’il n’a jamais vu. Il ressemble à une petite lunette de visée, peinte en rouge et blanc comme une canne en sucre, avec une lentille en cristal pur. Une note manuscrite, de la petite écriture mécanique de N.O.I.S.E.T., est attachée avec un ruban : « En cas d’échec de l’agent N.O.I.S.E.T. Activer à distance. Point de visée : le cœur de la machine. »

C’était son plan de secours. Son sacrifice n’était pas un acte de désespoir, c’était une manœuvre tactique pour lui donner une dernière chance.

Léo n’hésite pas. Le seul point en hauteur avec une vue dégagée est le sommet du sapin. Il commence à grimper, utilisant les branches épaisses et les guirlandes comme des prises. C’est l’ascension la plus étrange de sa vie : une mission d’espionnage au cœur du symbole le plus joyeux de Noël.

23:58

Arrivé au sommet, juste sous l’étoile scintillante, il a une vue parfaite sur le beffroi. Le vent glacial mord son visage. En bas, ses parents, alertés par le bruit, sortent d’une voiture de police, leurs visages tordus d’inquiétude, scrutant la foule.

Le compte à rebours : 00:01:05.

Il attache le dispositif « Flocon Rouge » à son bras, visant le cristal noir qui pulse au cœur de la machine de Givre. Son cœur bat à tout rompre. Il pense à N.O.I.S.E.T., au rire de ses parents, à la chaleur du chocolat chaud après une bataille de boules de neige.

« Pour N.O.I.S.E.T. », souffle-t-il.

Il appuie sur la détente. Un rayon de lumière dorée, pure et intense comme un millier de bougies de Noël, jaillit du dispositif. Il traverse la place en un instant et frappe le cristal noir en plein centre.

Dans la tour, le Dr. Givre voit le rayon frapper sa création. Le cristal, au lieu d’absorber l’énergie, se fissure. La lumière verdâtre devient instable, puis vire au blanc aveuglant. La machine surcharge.

BOOM !

Une explosion contenue secoue la tour, soufflant les vitres restantes. Une vague d’énergie chaude et bienveillante déferle sur Mont-Sapin. Toutes les guirlandes de la ville se rallument en même temps, plus brillantes que jamais. Le son joyeux des chants de Noël revient dans les haut-parleurs. L’esprit de Noël est sauvé.

Les douze coups de minuit résonnent depuis une autre église de la ville.

C’est Noël. Léo regarde sa montre. Minuit et une minute. L’angoisse le saisit. Il est au sommet d’un sapin géant, ses parents le croient disparu, il va être privé de jeux vidéo jusqu’à la fin de ses jours.

Il active le dernier gadget de son sac : le « Téléporteur de Retour au Foyer d’Urgence ». Il saisit une petite boîte cadeau décorative accrochée à une branche du sapin.

00:02

Dans le salon, la mère de Léo pleure dans les bras de son père. La porte s’ouvre, mais ce n’est que la police qui leur annonce ne rien avoir trouvé.

Soudain, l’air au milieu de la pièce se met à scintiller. Une gerbe d’étincelles dorées et de flocons de neige lumineux éclate, et Léo apparaît, chancelant, les cheveux en bataille. Il tient maladroitement la petite boîte cadeau.

Ses parents le regardent, bouche bée, entre le choc et le soulagement le plus total.

Léo leur offre un sourire épuisé et un peu penaud.

« Salut. Désolé pour le retard, » dit-il en tendant le paquet. « J’étais… parti chercher un cadeau surprise de dernière minute. Joyeux Noël. »

Oubliant la logique, la police, la disparition, ses parents se jettent sur lui et le serrent dans une étreinte qui vaut toutes les victoires du monde. Au chaud dans sa poche, Léo sent la petite vis en laiton, le souvenir éternel de son grincheux mais héroïque partenaire. La mission était accomplie.