Ethan et le Murmure du Sucrier

Dans le silence de la maison endormie, la cuisine s’éveillait sous les doigts d’Ethan. Ce n’était pas un garçon comme les autres. Ethan était un magicien, et sa magie, douce et discrète, aimait danser avec les ombres de la nuit. Pourtant, malgré ses pouvoirs, Ethan se sentait terriblement seul. Sa magie était un secret qui l’isolait, un murmure que personne d’autre ne pouvait entendre.

Ce soir-là, une larme de lune glissait sur le plan de travail, éclairant son objectif : le Grand Grimoire des Douceurs Partagées. Ce livre de recettes, aussi vieux que la maison, était posé tout en haut de la plus haute étagère, une véritable falaise de bois sombre. Ethan était convaincu qu’à l’intérieur se trouvait la recette du Gâteau de l’Amitié, un gâteau si délicieux qu’il suffisait d’en offrir une part pour se faire un ami pour la vie.

Mais le livre était bien trop haut. Ethan essaya bien un sortilège, un petit tourbillon de vent parfumé à la cannelle pour le faire descendre, mais le grimoire, lourd et têtu, ne bougea pas d’un millimètre. Il soupira. « Même la magie ne peut pas tout, quand on est tout seul… » pensa-t-il, le cœur un peu plus lourd.

C’est alors qu’il sortit de sa poche son seul trésor : une vieille carte au trésor, pas plus grande que sa main. Elle ne menait à aucune île lointaine, mais son pouvoir était bien plus précieux : elle pouvait ouvrir n’importe quel livre, même le plus récalcitrant. Le problème restait le même : comment l’amener jusqu’au grimoire ?

« Pssst ! Par ici, le grand échalas ! »

Ethan sursauta. La voix était minuscule, cristalline et venait… du sucrier. Il se pencha et vit, assis sur un monticule de sucre en poudre, un tout petit cube de sucre avec deux bras et deux jambes fines comme des fils. Il le regarda avec un air effronté.

« Qui es-tu ? » murmura Ethan, ébahi.

« Je suis Lumi, l’acrobate du sucrier ! Et toi, que fais-tu à soupirer si fort ? Tu vas faire fondre tout mon royaume ! » dit le petit être avec une assurance comique.

Ethan, pour la première fois depuis bien longtemps, sourit. Il expliqua son problème, montrant du doigt la “falaise” du placard et le grimoire inaccessible.

Lumi gonfla son petit torse cubique. « Grimper ? C’est ma spécialité ! Regarde ! » Et hop, d’un bond agile, il sauta du sucrier, escalada la boîte de céréales et fit une petite pirouette sur le robinet.

Une idée germa dans l’esprit d’Ethan. Une idée à deux.
« Lumi, tu es un grimpeur incroyable, mais tu es trop petit pour porter ma carte magique. Et moi, je ne peux pas grimper si haut. Mais si… si on s’y mettait ensemble ? »

Lumi plissa ses petits yeux de sucre. « Ensemble ? Comment ? »

Ethan posa délicatement la carte au trésor sur le plan de travail. Il ferma les yeux, se concentra, et murmura quelques mots qui sentaient le papier ancien et la poussière d’étoiles. Doucement, la carte se mit à frémir, puis à flotter, légère comme une plume.

« Toi, tu grimpes, » dit Ethan, le cœur battant d’excitation. « Et moi, je guiderai la carte jusqu’à toi. Tu n’auras qu’à la poser contre la couverture du livre. »

Lumi accepta le défi avec un hochement de tête décidé. L’ascension commença. Le petit cube de sucre était d’une agilité folle, utilisant chaque poignée de placard, chaque relief du bois comme une prise. Pendant ce temps, Ethan, concentré comme jamais, faisait léviter la carte qui suivait Lumi comme un petit tapis volant fidèle.

Enfin, Lumi arriva au sommet, juste à côté du lourd grimoire. Essoufflé, il fit signe à Ethan. Le magicien envoya la carte dans un dernier souffle magique. Lumi l’attrapa et, avec un effort immense, la plaqua contre la tranche dorée du livre.

Une douce lumière dorée enveloppa le grimoire. On entendit un léger clic, comme un secret qui se dévoile, et le livre s’ouvrit de lui-même, ses pages tournant doucement dans l’air nocturne jusqu’à s’arrêter sur une recette.

Lumi et Ethan, l’un d’en haut, l’autre d’en bas, lurent ensemble le titre : Les Biscuits de l’Entraide.
Et juste en dessous, le premier ingrédient était écrit en lettres d’or : « Avant toute chose, trouver un ami très différent de soi et mélanger une bonne dose de courage avec une grande cuillère de partage. »

Ethan regarda le petit cube de sucre victorieux qui lui faisait signe depuis le sommet du placard, puis la recette. Il comprit alors que le vrai trésor n’était pas dans le livre. Il venait de le trouver. Il n’avait plus besoin de faire un gâteau pour se faire un ami.

« Dis, Lumi, » appela Ethan avec un grand sourire qui illuminait son visage. « Ça te dirait de m’aider à faire des biscuits ? »

Là-haut, dans la lumière poétique de la lune, le petit acrobate de sucre dansa de joie. Pour la première fois, la grande cuisine ne semblait plus vide, mais remplie de la promesse d’une nouvelle amitié.