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Ignis et le Trésor de la Cuisine Scintillante
Ignis n’était pas un dragon comme les autres. Oh, il avait des écailles d’un vert émeraude, un ventre couleur crème brûlée et il pouvait cracher une petite flammèche capable de griller une miette de pain. Mais Ignis était minuscule, pas plus grand qu’une salière. Chaque nuit, quand la maison s’endormait, la cuisine devenait son royaume. Il parcourait la forêt de pieds de chaises, escaladait la montagne de farine oubliée sur le plan de travail et contemplait son reflet dans le lac tranquille de la gamelle d’eau du chat.
Ignis était le roi incontesté de ce vaste territoire silencieux. Mais un roi sans sujets est un roi qui s’ennuie. Et Ignis, du haut de son pot d’épices, se sentait souvent terriblement seul.
Une nuit, alors que la lune dessinait un grand carré argenté sur le carrelage, un éclat inhabituel attira son regard. Coincé sous le pot de confiture de fraises, un rectangle de papier doré scintillait comme mille soleils. C’était un ticket de bus, mais pour Ignis, c’était le plus fabuleux des trésors. Avec précaution, il le tira de sa cachette. Il était lisse, brillant, parfait. C’était son trésor.
Soudain, un courant d’air facétieux, venu de la fenêtre entrouverte, s’engouffra dans la cuisine. Le ticket doré s’envola, tourbillonna comme une feuille d’automne et alla se poser tout en haut de l’immense frigo blanc, une montagne de métal glacé presque impossible à atteindre.
“Catastrophe !” couina Ignis. Il devait récupérer son trésor. Il prit son élan, ses petites ailes de libellule battirent furieusement… mais il ne s’éleva que de quelques centimètres avant de retomber avec un tout petit pouf sur un torchon.
« Besoin d’un coup de patte, Sa Majesté Flamboyante ? »
Ignis sursauta. Une petite souris grise, le museau frétillant, l’observait depuis le trou d’une baguette de pain.
« Je suis Ignis, gardien de ce royaume ! Et un dragon n’a jamais besoin d’aide ! » rétorqua-t-il fièrement.
Il essaya à nouveau, tentant de grimper le long du câble du grille-pain. Mais le plastique était trop glissant. Il glissa et atterrit la tête la première dans le sucrier. Il en ressortit tout blanc, l’air d’un fantôme de dragon grognon.
La souris gloussa. « Je m’appelle Croquette. Et il me semble que votre trésor est en mauvaise posture. »
Ignis leva les yeux. Le courant d’air avait encore frappé ! Le ticket doré avait glissé du frigo et venait de tomber… dans le gouffre métallique de l’évier ! Pire encore, le robinet fuyait. Une goutte d’eau perlait, menaçante. Ploc. Elle s’écrasa à côté du ticket. La prochaine le mouillerait à coup sûr !
La panique s’empara d’Ignis. Il se précipita au bord de l’évier. Le papier doré commençait déjà à se ramollir. Une autre goutte se formait, prête à tomber. Il essaya de cracher sa plus belle flamme pour sécher le ticket à distance, mais seule une minuscule flammèche en sortit, qui s’éteignit avec un pschitt pitoyable. C’était sans espoir.
« J’ai une idée ! » lança Croquette en le rejoignant. « Mais tu dois me faire confiance. Tu es plus lourd et plus fort, et moi je suis plus légère et plus agile. »
Ignis hésita. Partager son aventure ? Partager la gloire de sauver son trésor avec une simple souris ? Mais en voyant la goutte d’eau trembler, sur le point de tomber, il comprit. Seul, il perdrait son trésor pour toujours. À deux, ils avaient une chance.
« D’accord ! » s’écria-t-il. « Que dois-je faire ? »
« Accroche-toi au bord, je vais descendre en rappel le long de ta queue ! »
Sans plus attendre, Ignis s’agrippa fermement au rebord de l’évier, laissant pendre sa queue écailleuse dans le vide. Croquette, agile comme une acrobate, s’y enroula et descendit à toute vitesse. Juste au moment où la goutte géante se détachait du robinet, elle attrapa le coin du ticket avec ses dents, tira d’un coup sec et remonta le long de la queue d’Ignis. Le PLOC de la goutte résonna sur le métal vide, là où se trouvait le trésor une seconde plus tôt.
Sains et saufs sur le carrelage frais, ils contemplèrent le ticket de bus, un peu humide mais sauvé. Ignis regarda Croquette, dont les moustaches tremblaient d’excitation. Pour la première fois de la nuit, il ne se sentait plus seul. Il se sentait… heureux.
« Tiens, » dit Ignis d’une petite voix adoucie. Il poussa le ticket vers elle. « C’est notre trésor, maintenant. On le garde à deux. »
Croquette sourit de toutes ses dents. Cette nuit-là, et toutes les nuits qui suivirent, la cuisine ne fut plus un royaume silencieux. C’était devenu un merveilleux terrain de jeu. Ignis et Croquette utilisaient le ticket de bus doré comme une luge scintillante pour dévaler le paquet de céréales, ou comme un tapis volant magique qu’Ignis soulevait de quelques centimètres dans les airs. Le plus beau des trésors, comprit enfin le petit dragon, n’était pas un objet brillant, mais un ami avec qui le partager.
