Draco, le Dragon qui Crachait des Bulles de Savon

Au sommet du Mont Cendré, là où les roches fument et où l’air sent le soufre, vivait une colonie de puissants dragons. Tous, du plus petit au plus grand, pouvaient cracher des flammes impressionnantes. Tous, sauf un.

Son nom était Draco. C’était un jeune dragon aux écailles magnifiques, qui scintillaient de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sous le soleil. Mais Draco avait un secret un peu honteux : quand il essayait de cracher du feu, sa gorge gargouillait, son ventre se gonflait et… PLOP !

Une cascade de bulles de savon s’échappait de sa bouche ! Des bulles roses, bleues, dorées, qui flottaient joyeusement dans les airs avant d’éclater en laissant un doux parfum de lavande.

Les autres dragons se moquaient de lui.
« Regardez Draco le bulleur ! » rigolait Ignis, le plus costaud des jeunes dragons. « Il va nous laver au lieu de nous défendre ! »

Triste et seul, Draco passait ses journées à l’écart, à regarder ses bulles irisées danser dans le vent. Un jour, n’en pouvant plus des moqueries, il prit une grande décision. « Puisque je ne suis pas un vrai dragon, je vais trouver un endroit où mes bulles seront les bienvenues ! »

Il déploya ses ailes couleur d’arc-en-ciel et s’envola loin, très loin du Mont Cendré. Il survola des forêts épaisses et des rivières scintillantes, jusqu’à apercevoir un charmant petit village niché dans une vallée verdoyante : Val-Fleuri.

Mais quelque chose n’allait pas. En s’approchant, Draco vit que tout le village était recouvert d’une substance rose, épaisse et collante. Les maisons, les arbres, la place du marché… tout était poisseux ! Les villageois couraient dans tous les sens en se plaignant.

« Oh non ! La Grande Confiturière a explosé ! » criait le boulanger. « Le Festival de la Framboise est ruiné ! »

Draco se posa doucement à l’orée du village. En le voyant, les villageois hurlèrent de peur.
« Un dragon ! Au secours ! Il va tout brûler ! »

Mais une petite fille, nommée Lise, ne s’enfuit pas. Elle avait vu que ce dragon n’était pas comme les autres. Ses yeux étaient doux et ses écailles brillaient gentiment.
« N’ayez pas peur ! » dit-elle aux autres.

Draco, pour montrer qu’il n’était pas méchant, prit une profonde inspiration et… PLOP !
Une seule, énorme bulle de savon sortit de sa bouche et flotta jusqu’à la statue du village, entièrement couverte de confiture. En éclatant, la bulle laissa une grande trace toute propre sur la pierre.

Lise écarquilla les yeux. « Tes bulles… elles nettoient ! » s’exclama-t-elle.
Elle se tourna vers Draco. « S’il te plaît, grand dragon, peux-tu nous aider ? Notre village est un vrai pot de confiture géant ! »

Pour la première fois de sa vie, quelqu’un demandait son aide à cause de ses bulles. Draco sentit son cœur se remplir de courage. Il hocha la tête, prit la plus grande inspiration de sa vie et souffla de toutes ses forces.

Ce ne fut pas une ou deux bulles, mais un torrent, une rivière de milliers de bulles de savon qui déferla sur le village ! Elles recouvrirent les toits, les rues et les habitants surpris. Partout où elles éclataient, la confiture collante disparaissait, laissant derrière elle une surface propre et une délicieuse odeur de propre.

Les enfants du village, d’abord effrayés, se mirent à rire et à courir après les bulles, essayant de les attraper. La catastrophe collante s’était transformée en la plus grande fête de la mousse que Val-Fleuri ait jamais connue !

En quelques minutes, le village était impeccable, plus propre qu’il ne l’avait jamais été. Les villageois, émerveillés, se rassemblèrent autour de Draco et l’acclamèrent.

« Bravo ! »
« Merci, dragon aux bulles magiques ! »

Le maire s’approcha et déclara : « Le Festival de la Framboise est sauvé ! Et pour te remercier, tu seras notre invité d’honneur. Nous l’appellerons désormais le Festival de la Framboise et des Bulles Scintillantes ! »

Ce jour-là, Draco comprit quelque chose d’important. Il n’avait pas besoin de cracher du feu pour être un vrai dragon. Son talent unique, celui qui le rendait si différent, était aussi ce qui le rendait spécial et merveilleux.

Il ne retourna jamais sur le Mont Cendré. Il resta à Val-Fleuri, où il devint le protecteur et le grand ami de tous les habitants, toujours prêt à organiser une fête de la mousse surprise ou à faire une petite lessive magique. Et personne, jamais plus, ne se moqua du dragon qui crachait des bulles de savon.