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Le murmure au cœur de la baleine-nuage
Cosmos n’était pas un nuage comme les autres. Doux, blanc et cotonneux, il avait tout pour flotter joyeusement dans le ciel. Mais Cosmos avait un secret un peu embarrassant : il avait le vertige. Rien que de regarder le sol, si loin en bas, lui donnait l’impression de fondre. Il passait donc ses journées bien au centre de sa maison, un gigantesque nuage en forme de baleine nommé Baleinia, un monde de coton silencieux et brumeux où les contours du monde semblaient toujours flous.
Un matin, un son étrange troubla la quiétude de Baleinia. Un grognement sourd et long, qui semblait venir des profondeurs du nuage-baleine.
« C’est le Dévoreur de Brume ! » chuchota un petit cumulus tremblant.
« Il va nous aspirer ! » gémit un autre en se cachant derrière un cirrus effiloché.
Bientôt, la panique se répandit comme une traînée de pluie. Personne n’osait s’approcher du bord pour regarder en bas, encore moins descendre dans le ventre mystérieux de Baleinia.
Cosmos, lui aussi, avait peur. Mais la curiosité était plus forte. En fouillant dans un vieux coffre de vapeur condensée, il trouva un objet oublié : une clé toute rouillée. Elle était lourde et froide. Par réflexe, il la leva pour y voir son reflet, mais la clé ne refléta rien. À la place, le métal plat lui fit un clin d’œil malicieux ! Surpris, Cosmos la tourna. La clé lui tira la langue. C’était une clé-grimace ! Intrigué, il la glissa dans sa poche de brume.
« Il faut savoir ce qui se passe », se dit-il.
Armé de sa drôle de clé et de tout son courage, Cosmos s’approcha du bord de Baleinia. Son cœur de vapeur se mit à battre très fort. Le vide l’appelait. Il ferma les yeux, respira lentement, et se rappela une phrase que lui disait souvent un vieux nuage sage : « La patience est une ancre, même dans le ciel. »
Alors, au lieu de plonger, Cosmos descendit tout doucement, en s’accrochant aux filaments de nuages. Chaque mètre semblait un kilomètre. Le grognement devenait de plus en plus fort.
« GRROOOOONNNN… »
Il arriva enfin dans le « ventre » de la baleine-nuage. C’était sombre, humide, et l’air vibrait à chaque son. Une ombre immense semblait bouger dans la pénombre. C’était terrifiant. Cosmos sentit la peur le paralyser.
Tremblant, il sortit sa clé rouillée et la tendit devant lui, comme un bouclier.
« GRROOOOONNNN… » fit encore l’ombre.
Face à ce bruit effrayant, la clé ne se démonta pas. Elle se mit à faire la plus ridicule des grimaces : les joues gonflées comme un poisson-lune et les yeux qui louchaient.
Malgré sa peur, un petit rire s’échappa de Cosmos.
L’ombre gronda de nouveau, et la clé répondit en se tortillant pour faire semblant d’avoir mal au ventre.
Le rire de Cosmos devint plus fort. La lumière de son rire perça un peu l’obscurité. Et là, il comprit. L’ombre immense, ce n’était pas un monstre. C’était le cœur même de Baleinia, qui se contractait et se relâchait très, très lentement. Et le grognement ? Ce n’était pas un rugissement de colère.
« Mais… c’est un hoquet ! » s’exclama Cosmos.
Le gigantesque nuage-baleine avait simplement un hoquet de nuage ! Un hoquet lent et profond, qui faisait vibrer toute sa structure.
Soulagé, Cosmos remonta, cette fois sans même penser au vide. Il avait affronté sa plus grande peur, patiemment, et avait découvert qu’elle n’était qu’un simple bruit dans la brume.
De retour au sommet, il raconta à tous les autres nuages ce qu’il avait vu.
« Un hoquet ? On a eu peur d’un hoquet ? »
Et tous les nuages éclatèrent d’un rire léger et pluvieux.
Cosmos ne guérit jamais complètement de son vertige. Mais désormais, quand il sentait la peur monter, il pensait à sa clé grimace et au grognement qui n’était qu’un hoquet. Il avait appris que la patience était la plus grande des forces pour affronter l’inconnu, et qu’un peu d’humour pouvait éclaircir même le plus mystérieux des brouillards.

