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Le Secret Grondant de la Forêt des Brocolis
Il y avait une fois, dans un pays où les nuages avaient un goût de sucre d’orge, un petit robot nommé Bip-Bop. Bip-Bop n’était pas un robot comme les autres. Au lieu de circuits conçus pour calculer ou assembler des fusées, ses mécanismes étaient entièrement dédiés à l’art du jardinage. Sa main droite était un transplantoir parfait et sa main gauche se terminait par un embout d’arrosoir délicat. Il vivait au cœur de la Forêt des Brocoli-Géants, un endroit merveilleux où des brocolis immenses s’élevaient vers le ciel, leurs têtes touffues formant une canopée verte et croquante. Chaque jour, Bip-Bop taillait les petites fleurettes, arrosait les pieds robustes et s’assurait que chaque arbre-légume soit heureux et en pleine santé.
Un matin, alors qu’il désherbait au pied d’un brocoli particulièrement ancien, son transplantoir heurta quelque chose de dur. Ce n’était pas une pierre. C’était un rouleau de papier jauni, scellé par une liane séchée. « Tiens, tiens, qu’est-ce que c’est que ce bibelot ? » bipa-t-il joyeusement. Il déroula le parchemin avec précaution et découvrit une carte. Mais ce n’était pas une carte ordinaire ! À peine l’avait-il dépliée qu’une ligne rouge scintillante s’y dessina, traçant un chemin vers une partie inconnue de la forêt. La curiosité, c’était un peu comme une petite graine dans ses circuits : une fois plantée, il fallait la laisser pousser. Il décida de suivre ce chemin mystérieux.
Alors, il se mit en route, la carte dans sa main de métal. Mais après quelques pas, il jeta un œil à la carte et poussa un petit cri métallique de surprise. Le chemin avait changé ! La ligne rouge serpentait maintenant dans une autre direction. « Oh, eh bien… Allons par là, alors », se dit Bip-Bop, un peu perplexe. Il suivit la nouvelle route, mais dix pas plus loin, le tracé s’effaça pour réapparaître de l’autre côté d’un ruisseau de jus de carotte. « Mais c’est impossible ! Cette carte est plus capricieuse qu’un arrosoir bouché ! » s’énerva-t-il. Soudain, un son grave et profond résonna à travers la forêt. GRRRROOOMMM… GRRRROOOMMM… Le sol vibra légèrement sous ses pieds de caoutchouc. Ses circuits grésillèrent d’une émotion qu’il connaissait peu : la peur. D’où venait ce bruit effrayant ? Il regarda la carte. La ligne rouge pointait maintenant droit vers la source du grondement, comme si elle l’encourageait à y aller. Il pouvait faire demi-tour, retourner à la sécurité de son jardin. Mais la graine de la curiosité était devenue une plante tenace. Il devait savoir.
Le cœur de ses batteries battant à toute allure, Bip-Bop avança prudemment entre les troncs de brocolis, qui semblaient de plus en plus sombres et menaçants. Le GRRRROOOMMM devenait plus fort à chaque pas. Il arriva enfin devant une clairière sombre, cachée derrière un rideau de feuilles de chou frisé géantes. Une ombre immense et monstrueuse bougeait au centre, une masse difforme avec plusieurs têtes qui se balançaient lentement. Le bruit était maintenant assourdissant. Bip-Bop était terrifié. C’était sûrement un monstre mangeur de robots ! Il ferma ses yeux-lentilles, prêt à être dévoré. Mais rien ne se passa. Prenant son courage à deux mains (enfin, à un transplantoir et un arrosoir), il alluma son phare frontal et éclaira la scène. « Q-qui est là ? » demanda-t-il d’une voix tremblotante. Et là, il éclata d’un rire fait de bips et de cliquetis. Le monstre n’était autre qu’une famille de trois énormes blaireaux-peluches, endormis les uns contre les autres. Le bruit terrifiant, le GRRRROOOMMM qui faisait trembler la forêt, c’était simplement… leur ronflement synchronisé !
L’un des blaireaux ouvrit un œil paresseux. « Hein ? C’est déjà l’heure du goûter ? » marmonna-t-il d’une voix pâteuse avant de se rendormir. Bip-Bop comprit alors. Sa peur n’était qu’une histoire qu’il s’était racontée. La carte ne l’avait pas mené à un danger, mais à la plus grosse et à la plus bruyante des siestes qu’il n’ait jamais vues. Il regarda la carte une dernière fois. Le chef des blaireaux, dans un demi-sommeil, lui dit : « Ah, tu as trouvé la Carte Ronflante ! Elle mène toujours aux meilleurs coins pour dormir. » Le petit robot sourit et fit demi-tour, le cœur léger. Sur le chemin du retour, la forêt ne lui semblait plus du tout effrayante. Il avait appris que la curiosité, même si elle faisait un peu peur au début, pouvait mener à des découvertes amusantes et chasser les ombres de l’imagination. De retour dans son jardin, il posa la carte sur sa table de travail, comme un trophée. Désormais, il savait que même les bruits les plus effrayants pouvaient cacher le plus doux des rêves.

