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Lumi était un jeune magicien pas tout à fait comme les autres. Sa plus grande magie n’était pas dans ses doigts, mais dans ses yeux grands ouverts sur le monde : Lumi était terriblement, merveilleusement curieux. Il vivait à l’orée de la Forêt Croquante, un endroit où les arbres n’étaient pas en bois, mais en immenses brocolis. Marcher dans cette forêt était une symphonie : sous les pieds, les petites fleurettes tombées au sol faisaient un doux crounch-crounch, et l’air sentait bon le vert et la rosée du matin.
La curiosité de Lumi le poussait souvent à explorer les secrets de cette forêt. Un jour, un vieil écureuil lui parla à demi-mot du « Cœur Chantant », un tout petit bouquet de brocoli au centre de la forêt, qui brillait d’une douce lumière et maintenait l’équilibre de tout le bois.
« Il ne faut jamais le toucher ! » avait prévenu l’écureuil avant de s’enfuir.
Mais pour un garçon aussi curieux que Lumi, un « il ne faut pas » ressemblait à une invitation. Une nuit, guidé par une douce lueur verte, il trouva le Cœur Chantant. C’était encore plus beau qu’en rêve. Une petite fleurette, pas plus grosse que son pouce, pulsait d’une lumière émeraude en émettant un murmure apaisant, comme une berceuse.
« Juste un petit contact, pour comprendre sa magie… » se dit Lumi.
Il tendit le doigt et effleura délicatement la surface lumineuse.
Ffffft. La lumière s’éteignit d’un coup. Le murmure cessa. Un silence lourd et triste tomba sur la forêt. Paniqué, Lumi vit les grands arbres-brocolis perdre leur vert éclatant pour une teinte jaune et fatiguée. Le sol n’était plus croquant, mais mou et spongieux. Il avait cassé la forêt !
Terrifié à l’idée que l’on découvre sa bêtise, Lumi décida de réparer ça tout seul, en cachette.
« Une forêt, c’est vert, non ? Facile ! »
Il lança un sortilège de couleur. Une peinture verte et gluante se mit à couler sur les arbres, leur donnant un air encore plus malade. Catastrophe !
« Alors… le croustillant ! Je vais rendre le sol croustillant ! »
Il murmura une formule de croquant. Le sol devint si dur et si cassant que chaque pas le faisait se briser comme du verre. CRAC ! BRING ! Les petits animaux, effrayés par ce vacarme, se cachèrent au fond de leurs terriers. Plus Lumi essayait de cacher son erreur, plus le désastre grandissait.
Assis au milieu de son gâchis, le cœur gros, Lumi était sur le point de pleurer. C’est alors qu’il vit son parapluie, posé contre un tronc gluant. Ce n’était pas un parapluie ordinaire. C’était un Parapluie-à-Pensées. Quand on l’ouvrait, on pouvait entendre ce que les animaux pensaient.
Avec un soupir, il l’ouvrit au-dessus de sa tête. Aussitôt, un concert de petites voix tristes emplit ses oreilles.
« J’ai peur… Le sol me pique les pattes… » pensait un petit hérisson.
« La berceuse de la forêt a disparu… Je n’arrive plus à dormir… » songeait une minuscule mésange bleue.
« Où est passée la douce chaleur du Cœur ? » se lamentait une famille de lapins.
Aucun ne pensait : « C’est la faute de Lumi ! ». Ils étaient simplement tristes et perdus. Leurs pensées n’étaient pas des reproches, mais des appels à l’aide. Guidé par la pensée la plus douce et la plus faible, Lumi découvrit une petite créature faite de mousse, le Gardien du Cœur, roulée en boule près de la fleurette éteinte.
Lumi ferma son parapluie, s’agenouilla et avoua d’une toute petite voix :
« C’est moi. J’ai touché le Cœur. J’étais juste… curieux. Je voulais comprendre son secret, et j’ai tout abîmé. Je suis tellement désolé. »
Le Gardien de mousse leva ses grands yeux brillants vers lui. Il n’y avait aucune colère dans son regard. Il fit un petit geste vers le Cœur éteint. Lumi comprit. Le Cœur n’était pas brisé, il était seulement endormi. Il n’avait pas besoin d’un grand sortilège pour se réveiller, mais de quelque chose de simple et de joyeux.
Lumi réfléchit. Qu’est-ce qui le rendait vraiment heureux ? Pas les grands tours de magie. Non. C’était le goût d’une mûre sauvage encore tiède de soleil. C’était le bruit du vent dans les feuilles. C’était le crounch-crounch du sol de la forêt.
Il ferma les yeux et se mit à fredonner une petite mélodie toute simple, une chanson qui parlait de la rosée du matin et de la chaleur d’un rayon de soleil sur sa joue.
Le Gardien se mit à siffloter avec lui. Doucement, une minuscule étincelle réapparut au centre du Cœur Chantant. Lumi continua de chanter, le cœur léger. La lumière grandit, pure et vibrante. Le murmure apaisant reprit son chant, et une vague de bien-être parcourut la forêt. Le vert éclatant revint sur les arbres, la peinture gluante s’évapora et le sol redevint délicieusement croquant.
Lumi avait réparé sa bêtise, non pas avec un grand pouvoir, mais avec un petit chant. Il comprit ce jour-là que la plus grande magie de la forêt n’était pas un secret à percer, mais un ensemble de milliers de petites choses heureuses. Et que le vrai bonheur, finalement, se trouvait là, juste sous ses yeux, dans la beauté simple d’un monde à chérir.

