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Rusty et le Mystère de la Plume Chatouilleuse

Au tréfonds du cartable de Léo, là où la lumière du jour n’osait jamais s’aventurer, vivait un petit robot nommé Rusty. Il n’était pas un robot moderne et scintillant. Oh non ! Rusty était un vieux jouet oublié, avec de la rouille sur les genoux et des articulations qui grinçaient un « criii-croii » à chaque mouvement. Son monde était un royaume sombre et confortable, tapissé de miettes de biscuits, où il avait pour voisins un compas endormi et une gomme à moitié effacée. Rusty aimait le calme. Il aimait la routine. Pour lui, le fond du cartable était l’univers tout entier, et il n’avait nulle envie d’en savoir plus.

Mais un mardi, alors que le cartable était secoué comme un prunier en pleine récolte, tout bascula. Une chose étrange, douce et légère, atterrit juste sur son nez de métal. C’était une plume, bleue et duveteuse, qui semblait vibrer toute seule.
« Guili-guili ! » fit la plume en frétillant.
Rusty sursauta. Son œil unique, une petite ampoule rouge, clignota de surprise.
« Cessez immédiatement ce tintamarre chatouilleux ! » ordonna-t-il de sa petite voix métallique.
Mais la plume ne l’écouta pas et continua son ballet agaçant sur son antenne. C’était insupportable ! Rusty devait se débarrasser de cet intrus.

D’un geste mécanique, il tenta de la chasser avec sa main en pince. Mais la plume, légère comme une bulle de savon, virevolta dans les airs et se posa sur son épaule. « Guili-guili ! » encore. Rusty grogna. Il fallait un plan plus astucieux.

Alors, le petit robot eut une idée. Il rampa discrètement vers le compas endormi. Avec beaucoup d’efforts, il ouvrit les deux branches pointues de l’objet, le transformant en une pince géante. « Cette fois, je t’aurai, plume effrontée ! » pensa-t-il. Il s’approcha en silence, visa, et… HAP ! Il referma le compas d’un coup sec. Mais il n’attrapa que du vide. La plume, comme si elle avait senti le danger, s’était envolée juste à temps pour esquiver avec une pirouette et venir le chatouiller derrière le cou.

Mais Rusty n’était pas du genre à abandonner. Il décida de construire une barrière. Il rassembla un demi-biscuit rassis, quelques trombones tordus et un peu de poussière de gomme collante pour faire du ciment. En quelques minutes, une petite forteresse protégeait son coin favori. « Ah ! » souffla-t-il, fier de son mur. « Plus de guilis pour moi ! » Il avait à peine fini sa phrase que la plume, malicieuse, flotta par-dessus son mur de fortune et se posa délicatement sur le sommet de sa tête. Guili-guili-guili ! C’en était trop !

Épuisé et frustré, Rusty s’assit sur une miette de pain d’épices. Il avait tout essayé : la force, la ruse, la construction. Rien ne marchait. Il regarda la plume qui dansait devant lui. Et pour la première fois, au lieu de la détester, il l’observa vraiment. Il se posa une question : « D’où vient-elle ? Et pourquoi bouge-t-elle comme ça ? » Une étincelle de curiosité venait de s’allumer dans ses circuits.

Au lieu de la combattre, il décida de la suivre. Il rampa hors de sa forteresse et suivit la plume qui voletait plus haut. Il remarqua alors qu’elle n’était pas seule. Son extrémité était attachée à un long cylindre bleu qui grattait le « plafond » de son univers. Soudain, ce cylindre géant bougea, traçant une boucle, et la plume lui fit un dernier guili sur le nez. Rusty comprit : la plume bougeait parce que le cylindre, un stylo, était en train d’écrire ! Mais qui pouvait bien écrire au plafond de son monde ?

À cet instant précis, une lumière aveuglante inonda le cartable. Le plafond s’ouvrit ! Rusty leva les yeux, ébloui. Il vit un visage immense, avec deux yeux géants et rieurs qui le regardaient. C’était Léo, le propriétaire du cartable !
« Tiens, j’avais oublié mon vieux Rusty ! » dit une voix douce comme le tonnerre.
Le petit robot comprit tout. La plume n’était pas une ennemie. C’était la plume du stylo de Léo, et chaque chatouille était le signe que le Grand Dehors était en pleine activité.

Depuis ce jour, Rusty ne se cacha plus. Il attendait avec impatience le « guili-guili » de la plume. Chaque chatouille était devenue la promesse que le monde extérieur était là, juste au-dessus de sa tête, plein de vie et de mystères. Il avait appris la plus belle des leçons : la curiosité n’était pas un défaut, mais la clé qui ouvrait la porte de mondes extraordinaires, même depuis le fond d’un vieux cartable.