🎧 Écouter l'histoire :
Zoé et la montre des chemins croisés
Zoé était une petite chatte à la fourrure douce comme un nuage et aux yeux verts comme des émeraudes. Elle était agile, maligne et incroyablement courageuse. Le jour, aucun chien du quartier ne lui faisait peur. Mais la nuit… la nuit était son ennemie. Zoé avait une peur terrible, une peur immense et profonde du noir.
Ce soir-là, son ventre gargouillait comme un petit volcan. Le but de sa quête était légendaire : atteindre le sommet de la Montagne de Glace, que les humains appelaient “le réfrigérateur”, pour y trouver les Croquettes Célestes. Mais pour y arriver, il fallait traverser la Grande Plaine Carrelée, un territoire immense et froid où les ombres dansaient comme des monstres affamés.
Assise au seuil de la cuisine, Zoé sentait son courage fondre. Chaque meuble projetait une silhouette menaçante. La chaise devenait une araignée géante, la table un dragon endormi. Paralysée par la peur, elle regarda le seul objet qui la rassurait un peu : la vieille montre à gousset de son grand-père. Elle ne donnait pas l’heure, mais son cadran changeait sans cesse de dessin. C’était son trésor.
Elle l’ouvrit. Le dessin d’une minuscule étoile filante s’effaça pour laisser place… à une souris, moustaches au vent, l’air très malin.
« Une souris ? Quelle drôle d’idée… » murmura Zoé.
« On m’a appelé ? » fit une petite voix juste à côté d’elle.
Zoé sursauta. Une véritable souris, qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à celle du dessin, se tenait là, se dandinant sur ses pattes arrière.
« Je m’appelle Barnabé. Et toi, la statue de chat, tu comptes rester là toute la nuit ? »
« Je… je n’aime pas les ombres, » avoua Zoé, honteuse.
Barnabé éclata d’un petit rire cristallin. « Moi ? Peur du noir ? C’est le noir qui a peur de moi ! Je suis le roi de la nuit ! Mais dis-moi, qu’est-ce qu’une guerrière comme toi fait ici ? »
Zoé, piquée au vif par le mot “guerrière”, se redressa. « Mon expédition me mène au sommet de la Montagne de Glace. Un trésor m’y attend. »
« La Montagne de Glace ! » s’exclama Barnabé. « J’y vais aussi ! Le Fromage des Champions m’attend là-haut ! Mais je suis trop petit pour ouvrir la porte… »
Un silence s’installa. La chatte avait la force mais pas le courage. La souris avait le courage mais pas la force. Zoé jeta un œil à sa montre. Le dessin avait encore changé : il montrait maintenant une corde et une échelle, l’une à côté de l’autre.
Une idée germa dans son esprit. « Barnabé ! Et si nous formions une alliance ? »
« Une chatte et une souris ? Tu plaisantes ? »
« Non ! » insista Zoé. « Tu seras mes yeux dans la nuit, et je serai tes muscles pour la montée. Ensemble, nous pouvons y arriver. Je t’aiderai à avoir ton fromage, et tu m’aideras à avoir mes croquettes. Marché conclu ? »
Barnabé plissa ses moustaches, réfléchit une seconde, puis tendit sa petite patte. « Marché conclu, partenaire ! En avant pour la gloire ! »
L’expédition commença. Barnabé, agile et sans peur, se faufilait entre les ombres, chuchotant à Zoé : « Par ici, grande guerrière ! Ce n’est que l’ombre du balai, il ne mord pas ! »
Rassurée par la petite voix de son ami, Zoé avançait, pas à pas, le cœur battant moins fort. La Grande Plaine fut traversée.
Arrivés devant la Montagne de Glace, le vrai défi commença.
« La poignée est notre seul espoir ! » cria Barnabé.
Zoé prit son élan et sauta, s’agrippant de toutes ses griffes au joint en caoutchouc de la porte. De là, elle put donner une petite tape de la patte à Barnabé pour le propulser sur la poignée. Le petit explorateur s’y accrocha et, de tout son poids, réussit à faire basculer le loquet magnétique. La porte s’entrouvrit avec un bruit de victoire !
Au sommet, leurs trésors les attendaient. Un délicieux morceau de comté pour Barnabé et une petite coupelle de Croquettes Célestes pour Zoé. Au lieu de se jeter chacun sur leur butin, ils s’entraidèrent. Zoé poussa doucement le fromage vers la souris, qui, en retour, fit rouler quelques croquettes vers le bord pour sa nouvelle amie.
Assis côte à côte sur le sol froid de la cuisine, ils partagèrent leur festin. La pièce n’était plus si sombre. Les ombres semblaient maintenant amicales, comme des spectateurs silencieux de leur triomphe.
Zoé comprit alors quelque chose d’important. Le noir était bien moins effrayant quand on n’était pas seul pour l’affronter. Et un trésor, aussi délicieux soit-il, avait bien meilleur goût quand il était le fruit d’une aventure partagée.

