Chloé et le secret du canari qui ne parlait pas

Chloé n’était pas un chaton comme les autres. Oh non ! Elle était une véritable pipelette. Elle commentait tout, tout le temps.
« Tiens, le soleil fait une tache sur le parquet. Bonjour, tache de soleil ! Tu comptes rester longtemps ? Parce que c’est ma place de sieste, pour information. »

Ce jour-là, chez son Papy, une mouche particulièrement insolente avait décidé de lui tourner autour.
« Non mais tu as vu ça ? Une mouche ! En plein milieu de mon territoire sacré ! Quelle audace ! Je vais lui apprendre les bonnes manières, moi ! »

La poursuite commença. Zou ! Chloé dérapa sur le tapis. Vroum ! Elle escalada le fauteuil de Papy. La mouche, maligne, vola de plus en plus haut, jusqu’à se poser tout en haut de la gigantesque et poussiéreuse armoire du grenier.

« Je t’aurai ! » cria Chloé en grimpant avec une agilité surprenante. Elle grimpa, grimpa, s’accrochant aux sculptures en bois. Arrivée au sommet, triomphante, elle se retourna pour savourer sa victoire… mais la mouche était partie. Et pire encore, en grimpant, elle avait fait claquer la lourde porte du grenier. CLAC ! La voilà enfermée. Seule. Dans le noir. Perchée à trois mètres du sol.

« Oh là là, quelle catastrophe ! » se lamenta-t-elle. « Je vais finir en décoration de grenier, couverte de toiles d’araignées ! Papy va me chercher partout, il va dire : “Où est passée ma Chloé, la meilleure raconteuse d’histoires du monde ?” »

Elle essaya de descendre, mais le bois était glissant. Elle glissa sur une fesse, fit une pirouette involontaire et atterrit en équilibre sur une pile de vieux journaux. FLAP FLAP FLAP ! Les journaux s’envolèrent, créant une tempête de papier.
« Bon, d’accord, le plan “descente en catastrophe” n’est pas le meilleur. Il faut un plan B. C’est quoi un plan B ? »

C’est là qu’elle entendit un petit bruit. Dans un coin du grenier, il y avait une cage avec un canari jaune, qui la regardait d’un air très, très grincheux.

« SALUT ! » cria Chloé, ravie d’avoir de la compagnie. « Toi aussi tu es coincé ? C’est la faute de cette porte, elle est mal élevée. Je m’appelle Chloé, et toi ? On doit absolument trouver une solution. J’ai pensé à creuser un tunnel, mais mes griffes ne sont pas terribles pour le bois. Et toi, tu sais crocheter les serrures avec ton bec ? »

Le canari ne répondit pas. Il tourna la tête, l’air de dire : « Pitié, faites-la taire. »

« Pas très bavard, hein ? » continua Chloé. « Écoute-moi bien, l’oiseau. La clé doit être quelque part. Si tu voles et que tu regardes partout, et que moi je te guide avec mes mots, on peut la trouver ! C’est ça, la communication ! Allez, au travail ! »

Pour toute réponse, le canari se mit à chanter. Pas un chant joyeux. Non, un petit air triste et mélancolique, comme pour dire au monde entier à quel point il s’ennuyait.

Chloé, agacée, allait lui dire d’arrêter sa musique déprimante quand une chose incroyable se produisit. Juste à côté de la cage, une magnifique plume jaune que le canari avait dû perdre se mit à briller. Elle ne brillait pas un peu. Elle scintillait comme une étoile, illuminant tout le grenier !

Chloé resta bouche bée. Une première pour elle.
Le canari s’arrêta de chanter. La plume s’éteignit.

Chloé regarda la plume. Elle regarda le canari. Le canari la regarda. Une idée folle germa dans sa tête de chaton. Elle ramassa la plume avec délicatesse.
« Vas-y, » murmura-t-elle. « Chante encore. »

Le canari, surpris qu’on lui demande de chanter, hésita. Chloé, pour l’encourager, essaya de chanter elle-même.
« Miiiiaaaaooouuu-ou-ou-ouuuu ! »
Ce fut un désastre. On aurait dit qu’on marchait sur la queue d’un chat très en colère. La plume clignota à peine, comme une ampoule fatiguée.

Le canari sembla presque avoir pitié. Il prit une grande inspiration et se lança dans la plus belle, la plus puissante de ses mélodies. TURLUTUTU CHAPEAU POINTU ! chantait-il à tue-tête.

Instantanément, la plume dans la patte de Chloé devint un véritable projecteur ! Elle éclaira le grenier comme en plein jour. Chloé utilisa cette lumière magique pour inspecter les moindres recoins. Et là, derrière l’énorme pied de l’armoire, elle la vit : la vieille clé en laiton !

« EURÊKA ! » cria Chloé. « Turlu, tu es un génie ! Continue de chanter ! »

Le canari, fier de son succès, chanta de plus belle. Chloé, éclairée par la plume, essaya d’attraper la clé. Mais son bras était trop court.
« Plan C ! » annonça-t-elle.

Cette fois, elle ne parla pas pour ne rien dire. Elle réfléchit. Elle avait compris. Il ne suffisait pas de parler, il fallait se comprendre.
Elle montra la clé du bout de sa patte. Puis, elle mima un oiseau qui vole et qui attrape quelque chose. Turlu, qui était bien plus malin qu’il n’en avait l’air, hocha la tête. Il sortit de sa cage dont la porte était mal fermée, mais la clé était trop lourde pour lui.

Alors, Chloé eut une idée de génie. Elle attrapa un vieux lacet de chaussure qui traînait là. Avec ses dents et ses pattes, elle fit un nœud coulant. Elle le tendit à Turlu.
« Toi, » dit-elle doucement, « tu prends le lacet. Tu voles là-bas. Et tu passes la boucle autour de la clé. Moi, je tire. »

Turlu comprit parfaitement. Il attrapa le lacet dans son bec, vola derrière l’armoire, et après deux tentatives, réussit à encercler la clé.

« TIRE ! » siffla-t-il à sa manière.

Chloé tira de toutes ses forces. La clé glissa sur le sol, ramenant avec elle un nuage de poussière et une vieille chaussette de Papy qui atterrit directement sur la tête de Chloé.
« Berk ! » fit-elle, en secouant la chaussette.

Quelques instants plus tard, la porte du grenier s’ouvrait en grinçant. Chloé et Turlu, couverts de poussière mais victorieux, descendirent juste au moment où Papy rentrait des courses.

« Mais… que faites-vous là, tous les deux ? Et pourquoi êtes-vous si sales ? » demanda Papy, perplexe.

Chloé ne répondit pas tout de suite. Elle se tourna vers Turlu et lui fit un clin d’œil complice. Le canari lui répondit par un petit trille joyeux. Elle venait d’apprendre une grande leçon : parler, c’est bien, mais s’écouter et se comprendre, même sans un mot, c’est encore mieux.
Et c’est ainsi qu’un chaton beaucoup trop bavard et un canari silencieux devinrent les meilleurs amis du monde.