Elena le bonhomme de neige qui voulait toucher les étoiles

Sous un ciel piqué de diamants, la montagne scintillait. C’était la nuit de la Grande Tournée des Vœux de Neige, et au sommet, un petit bonhomme de neige nommé Elena trépignait d’impatience. Elena n’était pas comme les autres bonshommes de neige. Bien sûr, elle avait des boutons pour les yeux et des branches pour les bras, mais elle avait surtout un grand rêve : apprendre à voler.

Chaque soir, elle agitait ses bras-brindilles aussi vite qu’elle le pouvait, espérant décoller. « Un jour, pouf ! Je m’envolerai et je chatouillerai la lune ! » disait-elle à son ami Flocon, un petit lapin de neige.

Ce soir-là était spécial. Elena était la gardienne de l’Étoile des Souhaits, un flocon de glace magique qui collectait tous les vœux des enfants pour les distribuer dans le vent d’hiver. La tournée devait commencer à minuit pile. L’Étoile reposait dans un coffret de bois juste à côté d’elle.

Dans un élan d’enthousiasme, Elena prit une grande inspiration et sauta du rocher où elle était assise en battant des bras. « J’y suis presque ! » cria-t-elle. Mais au lieu de s’envoler, elle atterrit avec un BOUM feutré juste sur la queue de Gaspard, un vieux bouquin ronchon qui somnolait derrière un sapin.

« Aïe ! Mais enfin ! » grogna Gaspard en se relevant d’un bond. Vexé et surpris, il donna un grand coup de sabot dans le vide, et heurta sans le vouloir le petit coffret de bois. Le coffret bascula, s’ouvrit, et l’Étoile des Souhaits glissa sur la neige gelée avant de disparaître dans une crevasse profonde et sombre.

Le silence tomba, seulement brisé par le tic-tac lointain de l’horloge du village. Il était onze heures et demie.

« Oh non ! » murmura Elena, le cœur serré comme une boule de neige trop compacte.

Gaspard le bouquin, voyant la tristesse d’Elena, regretta aussitôt son geste. « Je… je ne voulais pas, » balbutia-t-il, les oreilles basses.

Elena le regarda. Elle aurait pu être très en colère, mais elle vit la peine dans les yeux du bouquin. « Ce n’est pas grave, » dit-elle doucement. « Mais nous devons la retrouver avant minuit, sinon les vœux seront perdus ! »

La crevasse était bien trop profonde. Le temps filait. C’est alors que Gaspard, qui connaissait la montagne par cœur, eut une idée. « Il existe une légende, » dit-il. « La Carotte Géante du Grand Gel. On dit qu’elle pousse dans la grotte la plus froide du pic et qu’elle a le pouvoir… d’arrêter le temps. »

Sans une seconde à perdre, ils se mirent en route. Gaspard, avec ses sabots agiles, guida Elena à travers les sentiers glacés. Ils arrivèrent devant une caverne qui scintillait d’un bleu polaire. À l’intérieur, plantée au milieu d’un lac gelé, se trouvait une carotte immense ! Elle était plus grande qu’Elena et brillait d’une douce lumière orangée.

Elena s’approcha et, de ses mains de neige, attrapa la pointe de la carotte. Elle la tourna doucement, comme on tourne une clé.

CRONCH !

Un son étrange et sec résonna. Aussitôt, tout se figea. Une étoile filante s’arrêta net dans sa course. Un flocon de neige resta suspendu à un centimètre du sol. Le vent lui-même cessa de murmurer. Le temps était arrêté.

« Fantastique ! » chuchota Flocon le lapin.

Maintenant, ils avaient tout le temps du monde. Gaspard fabriqua une longue corde avec des lianes de lierre gelé. Elena, courageuse, se laissa descendre dans la crevasse. Comme elle était faite de neige, elle ne craignait pas les chocs. Tout au fond, elle aperçut une petite lueur vacillante : l’Étoile des Souhaits !

Elle la ramassa délicatement et la serra contre son cœur de neige. Gaspard la hissa hors du trou.

Une fois en sécurité, Elena retourna à la Carotte Géante et la tourna dans l’autre sens.

CRONCH !

Instantanément, l’étoile filante termina sa course, le flocon de neige toucha le sol et le vent se remit à chanter. L’horloge du village sonna le douzième coup de minuit. Ils avaient réussi !

Elena se tourna vers Gaspard. « Merci. Sans toi, nous n’aurions jamais réussi. Je te pardonne d’avoir renversé l’Étoile. »

Gaspard fut si touché par la gentillesse d’Elena qu’une petite larme gela sur sa joue. « C’est moi qui te remercie. J’étais toujours seul et grincheux. Voudrais-tu que je vous accompagne pour la tournée ? »

Le visage d’Elena s’illumina. « Avec plaisir ! »

La Grande Tournée des Vœux de Neige fut la plus belle de toutes. Accompagnée de son nouvel ami, Elena lança les vœux dans le vent du soir. Et en regardant les souhaits s’envoler comme des milliers de petites lucioles vers les maisons endormies, elle se sentit si légère, si heureuse et si pleine d’amour qu’elle eut l’impression, un court instant, de flotter vraiment au-dessus de la montagne. Elle n’avait pas encore appris à voler, mais elle avait découvert quelque chose d’encore plus magique : le pouvoir de pardonner et de se faire un ami.