Luna l'ourse qui cherchait plus qu'une simple liste

Sous un ciel piqué de mille diamants, la forêt de sapins scintillait de givre. C’était la Grande Nuit Étoilée, la nuit la plus magique de l’année. Mais pour Luna, une jeune ourse polaire à la fourrure douce comme un nuage, la magie avait un goût de catastrophe.

« Oh non, non, non ! » marmonna-t-elle en fouillant pour la dixième fois dans sa sacoche de velours.

Luna était une ourse formidable, connue pour ses câlins réconfortants et sa gentillesse. Mais elle était aussi connue pour être… « Luna-qui-a-encore-perdu-sa-liste ». Et ce soir, la liste perdue était la plus importante de toutes : la liste des Cœurs à Réchauffer avant que la dernière étoile filante ne traverse le ciel. Sans elle, sa mission était impossible.

Un frisson la parcourut, qui n’avait rien à voir avec l’air frais de la nuit. C’était le frisson de l’inquiétude. En plongeant une dernière fois la patte dans sa sacoche, ses griffes heurtèrent un objet rond et froid. Elle sortit une petite boule de neige, si parfaite qu’elle semblait sculptée dans un cristal. Elle ne fondait jamais. C’était une Boule de Neige à Rires. Un cadeau de son grand-père.

« Une boule de neige pour faire rire… » soupira-t-elle. « C’est bien gentil, mais ça ne m’aidera pas à retrouver mon parchemin ! »

Déçue, elle la laissa tomber dans la neige et continua son chemin, le museau presque par terre. C’est alors qu’elle faillit trébucher sur une motte de terre ronchonne. En y regardant de plus près, la motte de terre avait des pattes et un long nez pointu. C’était Barnabé, le blaireau le plus grognon de toute la forêt.

« Poussez-vous, l’oursonne, vous me faites de l’ombre », grommela-t-il sans même la regarder.

« Pardon, Monsieur Barnabé. Je suis désolée, » dit doucement Luna. « Je suis un peu perdue. J’ai égaré ma liste. N’auriez-vous pas vu un morceau de papier s’envoler ? »

« Une liste ? Pff. J’ai bien d’autres soucis », répondit le blaireau en se blottissant encore plus fort contre lui-même, grelottant de solitude.

En reculant, Luna buta sur la Boule de Neige à Rires qu’elle avait fait tomber. La boule roula, roula, et vint délicatement cogner le bout du nez de Barnabé. POUF !

Un silence. Puis… « Hi… hi hi… » Le blaireau se mit à glousser. Puis le gloussement devint un rire, un vrai rire tonitruant qui fit trembler ses moustaches. « HA ! HA ! HA ! Oh, par ma truffe ! Ça chatouille ! »

Le rire de Barnabé était si contagieux que Luna ne put s’empêcher de rire avec lui. Leurs rires s’envolèrent vers les étoiles, réchauffant l’air glacial. Quand ils se calmèrent, Barnabé avait les yeux qui pétillaient.

« Une liste, dis-tu ? » fit-il, sa voix soudain amicale. « Maintenant que tu le dis, j’ai vu un papier danser avec le vent. Il filait vers le grand chêne sage. »

« Merci, Barnabé ! » s’exclama Luna, le cœur déjà un peu plus léger.

Elle courut jusqu’au grand chêne, dont les branches semblaient vouloir caresser la lune. Tout en haut, coincée entre deux rameaux, elle aperçut sa liste ! Mais comment l’atteindre ? Sur la plus haute branche se tenait Madame HIBOUcoule, une chouette à l’air si savant et si sérieux qu’on n’osait pas la déranger.

« Excusez-moi, Madame HIBOUcoule ? » appela Luna. « Ma liste est coincée près de vous. Pourriez-vous m’aider, s’il vous plaît ? »

La chouette la dévisagea par-dessus ses lunettes en demi-lune. « Hmmm. Une requête. Je dois d’abord consulter mes registres astraux. La turbulence éolienne n’est pas propice à… »

Luna n’avait pas le temps pour les registres astraux ! Elle se souvint alors de sa boule de neige magique. Avec une infinie précaution, elle la lança en l’air. La boule décrivit une arche parfaite et atterrit en douceur dans le nid douillet de la chouette. POUF !

Madame HIBOUcoule sursauta, puis ses grands yeux ronds s’écarquillèrent. « Hou… hou… HOU HA HA ! Oh, mes plumes ! Quelle drôle de sensation ! HOU HOU HI HI HI ! »

Son rire cristallin fit vibrer toute la branche. La liste se décrocha et descendit en tourbillonnant, comme une feuille d’automne. Luna la rattrapa juste à temps.

« Oh, merci, merci ! » cria-t-elle à la chouette qui riait encore aux éclats.

Soulagée, Luna déroula enfin le précieux parchemin. Elle lut le premier nom : « Barnabé, le blaireau qui a froid au cœur ». Puis le second : « Madame HIBOUcoule, la chouette qui a oublié de rire ».

Luna resta un instant silencieuse, sa liste entre les pattes. Elle comprit soudain. Elle n’avait pas eu besoin de la liste pour accomplir sa mission. En partageant un rire avec Barnabé, elle avait réchauffé son cœur solitaire. En faisant glousser Madame HIBOUcoule, elle lui avait rappelé la joie d’être légère.

À ce moment-là, Barnabé et Madame HIBOUcoule (qui était descendue de son arbre) la rejoignirent.

« C’était le plus beau rire de ma vie », dit Barnabé.
« Assurément ! » approuva la chouette. « Une expérience des plus… hilarantes ! »

Luna leur sourit. La forêt ne semblait plus si froide. La Grande Nuit Étoilée n’avait jamais été aussi belle. Elle rangea sa liste, qui n’était plus si importante. Elle avait trouvé bien mieux ce soir-là.

Car Luna venait d’apprendre que même si on est « l’ours-qui-perd-sa-liste », le plus important est de ne jamais perdre ses amis. C’est leur chaleur, bien plus que tous les parchemins du monde, qui réchauffe vraiment les cœurs.