Naia la tigresse qui fit sonner le carillon de Noël

Naia ne marchait pas, elle rôdait. Vêtue de son pyjama à rayures orange et noires, elle se faufilait dans la maison en silence, le dos un peu courbé et les mains transformées en pattes de velours. Car Naia n’était pas une petite fille comme les autres. Non, Naia était un tigre. Un tigre féroce et courageux.

Ce soir-là, quelque chose n’allait pas. D’habitude, à la veille de Noël, on entendait le son magique du Grand Carillon qui tintait depuis le Château de Glace, tout en haut de la montagne. Mais ce soir… rien. Le silence était aussi épais que la neige sur le rebord de la fenêtre.

« Grrrrr… Pas de carillon, pas de Noël ! » grogna Naia pour elle-même. Un tigre ne pouvait pas laisser faire ça.

Elle enfila ses bottes, son manteau par-dessus son pyjama de tigre, et sortit dans la nuit étoilée. Elle grimpa la montagne avec l’agilité d’un félin, ses petites bottes s’enfonçant dans la neige fraîche. Bientôt, le Château de Glace se dressa devant elle, scintillant de mille feux sous la lune, mais terriblement silencieux.

À l’intérieur, tout était figé. Les fontaines de chocolat chaud étaient gelées, les guirlandes de sucre d’orge pendaient, immobiles. Et au sommet de la plus haute tour, le Grand Carillon était pris dans une épaisse couche de glace. Juste à côté, une silhouette massive et poilue était assise, la tête entre les mains. Elle laissait échapper de grands soupirs qui se transformaient en petits nuages de buée.

Naia plissa les yeux. Un danger. Le tigre en elle se prépara. Elle s’approcha à pas feutrés et laissa échapper son plus féroce rugissement.
« GRRRRAOU ! »
La silhouette sursauta et se retourna. C’était un yéti immense, avec une fourrure blanche comme la neige et des yeux bleus tout tristes.
« Hein ? Qui a fait ce bruit de moucheron enrhumé ? » demanda le yéti d’une voix grave et lasse.

Naia, vexée, planta ses mains sur ses hanches.
« Ce n’était pas un bruit de moucheron ! C’était un rugissement de tigre ! Je suis Naia la tigresse, et je suis venue réparer le carillon ! »
Le yéti la regarda de haut en bas, puis soupira de nouveau. « Tu ne peux rien faire, petite tigresse. C’est de ma faute. Je m’appelle Boule-de-Givre. J’étais si seul et si triste que mon chagrin a tout gelé. »

Il lui montra une petite clé toute rouillée qu’il tenait dans sa paume gigantesque.
« C’est la clé du mécanisme. Mais elle est magique. Elle ne fonctionne que si on est joyeux, ou courageux, ou plein d’espoir. Quand je la touche, elle reste rouillée de tristesse. »

Naia regarda la clé, puis le yéti, puis l’immense carillon gelé. Elle était petite, c’est vrai. Mais un tigre n’abandonne jamais.
« Toi, tu es grand et fort ! » déclara-t-elle. « Et moi, je suis petite et agile ! Et courageuse ! »
Le yéti cligna de ses grands yeux bleus. « Et alors ? »
« Alors, on va faire équipe ! Toi, tu me soulèves jusqu’au mécanisme, parce que je suis trop petite pour y arriver seule. Et moi, je vais utiliser la clé ! »

Boule-de-Givre hésita, puis un petit sourire apparut sur son visage poilu. C’était une idée si folle qu’elle pourrait bien marcher. Délicatement, il prit Naia dans sa main et la souleva le long de la tour de glace.

Arrivée devant la serrure du carillon, Naia frissonna. C’était très haut. Elle prit la clé rouillée dans sa petite main gantée. Elle ferma les yeux et pensa très fort. Elle n’était pas une petite fille qui avait peur. Elle était un tigre. Un tigre puissant qui protège la magie de Noël !

Elle serra le poing, bomba le torse et poussa le plus grand rugissement de sa vie.
« ROOOOAAAAAR ! »

Et là, une chose incroyable se produisit. La clé dans sa main commença à briller. La rouille disparut pour laisser place à une magnifique couleur vert émeraude, la couleur du courage !

« Ça marche ! » cria-t-elle.
Elle inséra la clé verte dans la serrure et la tourna. Un CLIC retentit, et la glace qui emprisonnait le mécanisme se brisa en mille morceaux scintillants. Mais le lourd battant du carillon restait immobile.

« Il faut le pousser ! » haleta Naia.
« C’est mon tour ! » gronda joyeusement Boule-de-Givre depuis le bas.
De toute sa force, le yéti donna une grande poussée au carillon.

DOOOOONNNNNG !

Un son pur et cristallin s’éleva dans le ciel nocturne, si puissant qu’il fit danser les flocons de neige. Puis un deuxième, un troisième… La mélodie de Noël était de retour !

En bas, Boule-de-Givre riait aux éclats, un rire si joyeux qu’il fit fondre les fontaines de chocolat chaud. Naia, toujours dans sa main, regarda la clé. Elle était maintenant d’un jaune éclatant comme le soleil, la couleur de la joie.

Ce jour-là, dans le grand château de glace, un yéti immense et une toute petite tigresse prouvèrent au monde entier qu’être petit n’empêche pas d’avoir un courage de géant, surtout quand on a un ami sur qui compter. Et le chocolat chaud du yéti, partagé avec un tigre, est sans aucun doute le meilleur de tous.