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Au cœur de l’hiver, le village de Flocon-Doré scintillait de mille promesses. C’était la veille de la Fête de la Grande Lumière, et chaque habitant s’affairait avec un sourire aux lèvres. La plus occupée de tous était sans doute Noëlie, une minuscule fée des neiges. Avec ses ailes délicates comme du givre, elle voletait de toit en toit, déposant des flocons aux formes parfaites : étoiles, cœurs et biscuits de pain d’épices.
Mais Noëlie avait un secret. Dès que le soleil se couchait, dès que l’ombre d’un nuage s’étirait sur la place, un petit frisson de peur la parcourait. Noëlie, la fée qui créait la plus pure des neiges, avait une peur bleue du noir.
Ce soir-là, alors que les dernières lumières du jour peignaient le ciel en orange et violet, un vent glacial se leva. Ce n’était pas un vent joueur, mais le Grand Souffle Grincheux. Il arriva en hurlant, charriant des nuages noirs et lourds comme du charbon. En quelques minutes, une tempête furieuse s’abattit sur Flocon-Doré. La neige n’était plus douce, mais piquante. Le vent éteignit une à une les guirlandes lumineuses, plongeant la place du village dans une obscurité profonde et effrayante.
Pire encore, la tempête apporta avec elle le “Gris-Chagrin”, une sorte de maladie magique qui rendait tout le monde triste et grognon. Monsieur Brioche, le boulanger d’habitude si joyeux, soupira en regardant ses brioches refroidir. Madame Ruban, la couturière, laissa tomber ses aiguilles, le cœur lourd. La Fête de la Grande Lumière semblait complètement gâchée.
Réfugiée sous le porche de l’atelier du menuisier, Noëlie grelottait. Ce n’était pas seulement le froid, c’était la peur. Le noir était partout, épais comme de la confiture de mûres, et rempli des gémissements du vent. Elle se sentait si petite, si impuissante.
C’est alors que son pied heurta quelque chose de dur. C’était un petit jouet en bois oublié là, un pantin coloré avec un chapeau à grelots. Noëlie le ramassa. Il était tout simple, sculpté avec amour. À peine l’eut-elle effleuré que le pantin se mit à vibrer dans sa main en faisant un drôle de bruit : « Bzz-Bzz-Guili ! ».
Malgré sa peur et sa tristesse, un petit rire s’échappa de la gorge de Noëlie. Un gloussement surpris, cristallin comme une clochette de glace. Le pantin, qu’elle décida d’appeler Grelotin, recommença : « Bzz-Bzz-Guili ! ». Noëlie rit de plus belle. Et chose étrange, une minuscule étincelle dorée jaillit de son rire et flotta un instant dans l’air avant de disparaître.
Une idée folle, une idée immense pour une si petite fée, germa dans son esprit. Et si… et si le rire pouvait chasser le Gris-Chagrin ? Et si le rire pouvait rallumer la lumière ?
Mais pour cela, il fallait sortir. Il fallait affronter le noir et le Grand Souffle Grincheux. Noëlie serra le petit Grelotin dans ses mains. Sa chaleur était rassurante. Pensant à tous ses amis tristes dans leurs maisons sombres, elle prit une grande inspiration. Le bonheur du village était plus important que sa peur.
Courageusement, elle s’envola dans la tourmente. Le vent tenta de la repousser, mais elle tint bon. Sa première destination fut la boulangerie. Monsieur Brioche était assis, la tête dans les mains. Noëlie se posa sur son épaule et lui tendit Grelotin.
« Bzz-Bzz-Guili ! » fit le jouet.
Le boulanger sursauta. Un petit sourire étira ses lèvres. « Bzz-Bzz-Guili ! » insista Grelotin en se tortillant. Un gargouillis sonore s’échappa de la poitrine de Monsieur Brioche, qui éclata bientôt d’un rire franc et tonitruant, un rire qui sentait bon le pain chaud. Aussitôt, une lumière dorée, chaude comme un four à pain, illumina la boulangerie. Le Gris-Chagrin s’était envolé !
« Par mes miches dorées ! » s’exclama le boulanger. « Noëlie, tu as un trésor ! Allons voir les autres ! »
Oubliant presque sa peur, portée par le rire du boulanger, Noëlie vola jusqu’à la mercerie. Ensemble, ils firent rire Madame Ruban, dont le rire tissa des fils de lumière argentée dans la pièce. Puis ce fut au tour du vieil horloger, dont le rire fit un “tic-tac” joyeux qui ralluma les lampadaires les plus proches.
De maison en maison, la petite fée et sa troupe grandissante d’habitants joyeux répandirent le pouvoir de Grelotin. Chaque éclat de rire chassait le Gris-Chagrin et allumait une nouvelle lumière. Bientôt, la place du village ne fut plus un trou noir et effrayant, mais une mosaïque de lumières dansantes et de rires contagieux.
Le Grand Souffle Grincheux, déconcerté par toute cette joie, perdit de sa force et s’enfuit au loin pour bouder. La tempête se calma, remplacée par une douce chute de flocons parfaits, œuvres d’une Noëlie désormais heureuse.
À minuit, le village de Flocon-Doré était plus lumineux et plus joyeux que jamais. Ce n’était pas la lumière des guirlandes, mais celle, bien plus chaude et plus forte, de la solidarité et du rire.
Au milieu de la place, Noëlie regardait les lumières qu’elle avait aidé à créer. Elle n’avait plus peur du tout. Elle avait compris que même la plus petite des fées, armée d’un simple jouet en bois et d’une grande dose de courage, pouvait accomplir de très grandes choses et transformer la nuit la plus sombre en la plus belle des fêtes.

