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Pain d’Épice, le plus jeune renne de l’atelier du Père Noël, était connu pour deux choses : son pelage doux couleur biscuit et ses blagues incessantes.
« Quel est le comble pour un cadeau ? » demandait-il aux lutins affairés. « C’est de ne pas être à la hauteur ! »
Les lutins gloussaient en secouant leurs bonnets à pompons, habitués aux facéties du petit renne.
Ce soir-là, une douce neige tombait sur l’usine à jouets, et à l’intérieur, tout n’était que chaleur et magie. L’air sentait bon la sciure de bois fraîche, la peinture couleur bonbon et le chocolat chaud qui mijotait pour les artisans. Près de la grande cheminée où dansaient des flammes joyeuses, Pain d’Épice trottinait, cherchant sa prochaine victime pour une devinette.
C’est alors qu’il entendit un son inhabituel. Ce n’était pas le tac-tac-tac des marteaux en bois, ni le frou-frou du papier cadeau. C’était un tout petit son, fragile et triste, comme une larme de glace qui fond. Ting… crr…
Intrigué, le petit renne suivit le son jusque dans une pièce calme, la Réserve des Histoires. C’est là qu’on gardait les objets magiques qui se souvenaient des plus beaux moments de l’année. Au centre de la pièce, sur un coussin de velours rouge, se trouvait une magnifique clochette d’argent. Mais elle ne brillait pas comme d’habitude. Elle semblait ternie, et à côté d’elle, un minuscule être de lumière, pas plus haut qu’un dé à coudre, pleurait des étincelles. C’était Tinn-Tinn, l’esprit gardien de la clochette.
« Que se passe-t-il, Tinn-Tinn ? » demanda doucement Pain d’Épice.
« Oh, Pain d’Épice… c’est terrible ! » sanglota l’esprit. « La clochette est cassée ! »
Pain d’Épice l’examina. « Mais elle n’a pas l’air cassée. »
« Pas à l’extérieur, » expliqua Tinn-Tinn. « À l’intérieur. Son pouvoir, c’est de raconter des histoires. Mais elle est bloquée. Elle ne peut que recommencer, encore et encore, la même histoire triste. Écoute… »
L’esprit effleura la clochette, qui émit un Ting… crr… dissonant. Pain d’Épice ferma les yeux et, comme par magie, il vit l’histoire. Il vit deux jeunes lutins, Pompon et Paillette, qui étaient les meilleurs amis du monde. Il vit Pompon, par accident, faire tomber et briser la magnifique toupie que Paillette venait de finir de peindre. Il vit la colère sur le visage de Paillette, et les mots méchants qu’elle avait criés. Et il vit la tristesse immense dans les yeux de Pompon. L’histoire s’arrêtait là, sur leur dispute, sur leurs cœurs blessés.
Pain d’Épice rouvrit les yeux, le cœur serré. Lui qui aimait tant rire, cette tristesse lui était insupportable.
« Il faut qu’elle raconte la fin de l’histoire ! » dit le renne.
« Mais il n’y a pas de fin ! » gémit Tinn-Tinn. « Ils ne se sont jamais pardonné. L’histoire est coincée, et la clochette aussi. »
Pain d’Épice réfléchit. Une blague ne pourrait pas régler ça. Il fallait autre chose… une blague du cœur, peut-être.
Il quitta la pièce et trouva Pompon, qui sculptait seul un soldat de bois avec un air maussade. Puis il alla voir Paillette, qui polissait des billes dans un autre coin, l’air tout aussi sombre.
Il les rassembla près d’un établi couvert de rubans colorés.
« J’ai une énigme pour vous, » leur dit-il, son museau frétillant.
Les deux lutins levèrent à peine les yeux.
« Qu’est-ce qui est plus fort que la magie, plus doux que le miel, et qui répare les cœurs brisés sans colle ni ficelle ? »
Pompon et Paillette froncèrent les sourcils. Ils se regardèrent pour la première fois depuis des jours.
« Un câlin ? » proposa timidement Pompon.
« Une nouvelle toupie ? » murmura Paillette.
Pain d’Épice secoua la tête gentiment. « Non. C’est le pardon. »
Un silence s’installa. Paillette regarda ses pieds. « Je suis désolée, Pompon. J’ai été méchante. Ta maladresse n’était pas aussi grave que ma colère. »
Les yeux de Pompon s’emplirent de larmes. « Et moi je suis désolé d’avoir cassé ta si jolie toupie. Ton amitié est plus importante. »
Sous le regard attendri de Pain d’Épice, les deux lutins se firent un gros câlin, un peu maladroit au début, puis de plus en plus sincère.
À cet instant précis, un son cristallin et pur résonna depuis la Réserve des Histoires. TIIING ! Un son si joyeux qu’il fit danser les guirlandes.
Tous les trois coururent vers la pièce. La clochette d’argent brillait de mille feux, et Tinn-Tinn dansait autour d’elle.
« Ça a marché ! » cria le petit esprit.
Pompon toucha la clochette et tout le monde put voir la nouvelle histoire : la dispute, la tristesse… puis l’énigme du petit renne, les excuses, et le câlin qui avait tout réparé. L’histoire était enfin complète.
Ce soir-là, près du feu, la clochette chanta la plus belle de ses mélodies, celle du pardon retrouvé. Pain d’Épice comprit que la meilleure des blagues était parfois celle qui faisait sourire les cœurs, et que pardonner, c’était comme offrir le plus magique des cadeaux.

