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Au cœur d’une forêt de sapins qui sentait bon le sucre d’orge et la neige fraîche, vivait un ours polaire nommé Rudolph. Rudolph n’était pas un ours polaire ordinaire. D’abord, il avait choisi de vivre au milieu des arbres verts plutôt que sur la banquise blanche. Ensuite, et surtout, Rudolph était l’ours le plus gourmand que la forêt ait jamais connu. Son ventre gargouillait plus fort que le tonnerre d’été et il rêvait constamment de miel scintillant et de baies juteuses.

Un matin, alors que son estomac chantait une véritable sérénade à la faim, Rudolph partit en quête de son petit-déjeuner. Il reniflait le sol, son museau noir fouillant sous les branches basses, espérant trouver une ruche oubliée ou un buisson de groseilles dodues. C’est alors qu’il entendit un son étrange. Ce n’était pas le chant d’un oiseau, ni le bruissement d’un écureuil. C’était un tout petit sanglot, fragile comme une bulle de savon.

Curieux, et espérant que la source du bruit ait quelque chose à grignoter, Rudolph suivit le son. Derrière un grand sapin décoré de guirlandes de givre, il découvrit un minuscule être, pas plus haut que sa patte. Il portait un bonnet en forme de clochette et ses joues étaient mouillées de larmes de rosée.

« Bonjour ? » gronda doucement Rudolph. « Pourquoi pleures-tu, petite chose ? As-tu perdu ton goûter ? »

Le petit être renifla et secoua la tête. « Bien pire que ça… Je suis Flocon, le Lutin du Rire. Et… et j’ai perdu mon rire ! »

Rudolph pencha la tête, perplexe. « Perdu ton rire ? Comment est-ce possible ? C’est comme si je perdais mon appétit ! Impensable ! »

« Mon travail est de répandre la joie dans la forêt, » expliqua Flocon en essuyant ses yeux. « Et pour cela, j’utilise mon ami, Grelot. » Il sortit de sa poche un tout petit pantin de bois, un joyeux bouffon avec un chapeau à grelots. « D’habitude, il suffit de le secouer un peu et tout le monde éclate de rire. Mais regarde… »

Flocon agita le pantin, mais les grelots restèrent silencieux. Le visage peint du jouet semblait triste. « Il ne fonctionne plus, car mon cœur est trop lourd. Sa magie vient de la joie, et je n’en ai plus. »

Rudolph se gratta le menton. Cette histoire ne remplissait pas son ventre. « Et qu’est-ce que j’y gagne si je t’aide ? » demanda-t-il, son estomac gargouillant à nouveau.

Flocon le regarda avec de grands yeux suppliants. « Si tu m’aides à retrouver mon rire, je ferai apparaître pour toi le plus grand et le plus délicieux pot de miel aux éclats d’étoiles de toute la forêt ! »

Les oreilles de Rudolph se dressèrent. Du miel aux éclats d’étoiles ! Il n’avait jamais rien entendu d’aussi appétissant. « Marché conclu ! » s’exclama-t-il.

Rudolph essaya tout ce qu’il pouvait. Il fit une grimace, ce qui fit juste trembler quelques aiguilles de sapin. Il essaya de raconter une blague d’ours : « C’est l’histoire d’un pingouin qui respire par les fesses. Un jour il s’assoit et… il meurt ! » Flocon le regarda sans comprendre. Rudolph tenta même une danse maladroite, mais il s’emmêla les pattes et roula en boule dans la neige, ce qui fit sourire le lutin une petite seconde, mais son rire ne vint pas.

Épuisé et déçu, Rudolph s’assit lourdement. « C’est inutile. Et ton jouet… ce n’est qu’un bout de bois. Ça n’a rien de magique. »

« Non ! » s’écria Flocon. « La magie existe, mais il faut y croire pour la voir ! S’il te plaît, essaie. Prends Grelot. »

En soupirant, et en pensant très fort au miel promis, Rudolph prit le minuscule pantin entre ses grosses pattes. Il le regarda d’un air sceptique. C’était juste un jouet. Mais en le tournant, le petit grelot de son chapeau tinta doucement. Et puis, une chose incroyable se produisit. Le pantin de bois gigota et vint chatouiller le bout du museau de Rudolph.

L’ours fut si surpris qu’il éternua d’abord. Puis, la sensation des petites mains de bois le chatouillant encore et encore lui fit sentir un frisson monter… monter… et soudain, un rire énorme et caverneux s’échappa de lui : « GROO-HO-HO-HO-HA-HA ! »

Le rire de Rudolph était si puissant et si joyeux qu’il fit trembler la neige des branches. En voyant ce grand ours se tortiller de rire à cause d’un si petit jouet, Flocon sentit quelque chose pétiller en lui. Un petit gloussement s’échappa de ses lèvres, puis un autre, et bientôt, il éclata d’un rire cristallin qui carillonnait dans toute la forêt.

La magie était revenue ! Le pantin Grelot se mit à danser tout seul dans la paume de Rudolph, faisant des saltos et des pirouettes. La forêt entière semblait s’illuminer.

Fidèle à sa promesse, Flocon claqua des doigts. Devant Rudolph apparut un pot de miel géant, si grand qu’il aurait pu y prendre un bain. Le miel était doré, et de petites lumières, comme des étoiles capturées, y flottaient paresseusement.

Ce jour-là, Rudolph l’ours gourmand ne se contenta pas de dévorer le meilleur repas de sa vie. Il apprit aussi que la plus grande des magies peut se cacher dans la plus petite des choses, et qu’il suffit parfois d’un éclat de rire et d’un peu de confiance pour rendre le monde plus joyeux. Et très souvent, il retourna voir son ami Flocon, non pas pour le miel, mais pour partager un bon fou rire avec Grelot, le pantin magique.