Zoé et la colère du vent
Au sommet du plus grand chêne de la forêt, là où les feuilles chuchotent des secrets au vent, se trouvait la cabane de Zoé. Ce n’était pas une simple cabane, mais un véritable navire pirate, un voilier de bois perché sur un océan de verdure. Zoé en était la capitaine. C’était une pirate douce, avec des tresses couleur de miel et des yeux pétillants comme des gouttes de rosée.
Mais Zoé, malgré son titre de capitaine, avait une particularité bien étrange : elle était incapable de dire non.
Si un oisillon lui demandait sa dernière myrtille, elle la lui donnait en souriant. Si un écureuil voulait emprunter sa longue-vue préférée pour observer les noisettes de l’autre côté de la clairière, elle la lui prêtait sans hésiter. « Tu veux bien, Zoé ? » demandaient les habitants de la forêt. Et Zoé répondait toujours : « Oui, bien sûr ! ».
Un après-midi, alors que le vent soufflait une mélodie calme dans les branches, Pipo l’écureuil grimpa jusqu’à la cabane, l’air paniqué.
« Zoé ! Oh, Zoé ! J’ai fait tomber ma plus belle noisette, la plus ronde, la plus parfaite ! Elle a roulé tout au fond de ta réserve, derrière le grand rideau de lierre, là où il fait toujours sombre. Tu veux bien aller la chercher pour moi ? »
Le cœur de Zoé se serra. Derrière le rideau de lierre, c’était la partie la plus ancienne et la plus sombre de sa cabane. Un endroit qu’elle évitait, car parfois, un bruit étrange et effrayant en sortait. Mais en voyant les petites moustaches tremblantes de Pipo, elle soupira doucement et répondit, comme toujours :
« Oui, Pipo. Bien sûr. »
Armée d’une petite lanterne qui dansait, Zoé s’approcha du lourd rideau de feuilles. Elle possédait un seul trésor, qu’elle gardait précieusement : une petite boîte en bois de cerisier. Elle ne contenait ni or ni bijoux, mais quelque chose de bien plus amusant. Zoé la prit avec elle, juste pour se donner du courage.
À peine eut-elle soulevé un coin du rideau de lierre qu’elle l’entendit. Un son bas, profond et fâché.
GRRRROOOOONNNNN…
Le son semblait vibrer dans le plancher de la cabane. Zoé figea, sa lanterne tremblant dans sa main. C’était le monstre du fond de la cabane ! Il était en colère. Très en colère. La peur la glaça. Elle eut envie de crier, de taper du pied, d’être en colère elle aussi contre ce monstre qui lui faisait si peur.
Mais elle se souvint des paroles de son grand-père, un vieux loup de mer poète : « La colère est une tempête dans un verre d’eau, ma petite pirate. Elle ne mène à aucun trésor. »
Alors, au lieu de crier, Zoé fit quelque chose de complètement différent. Elle s’assit en tailleur devant l’obscurité, posa sa petite boîte magique devant elle et l’ouvrit délicatement.
La boîte ne fit pas un bruit effrayant. Au contraire. Elle fit : « Plip-plop… Boïng ! »
Le grognement s’arrêta net, comme surpris.
Zoé attendit.
GRRR… reprit le son, moins fort cette fois.
La boîte répondit par un joyeux : « Fwiiit-fwiit… Pssshhh-pop ! »
Un long silence s’installa. Zoé, plus curieuse que peureuse maintenant, avança sa lanterne dans l’obscurité. Le grognement avait disparu. À la place, elle entendit un léger grincement, presque timide.
Et là, éclairée par la douce lumière, elle vit la vérité. Il n’y avait aucun monstre. C’était simplement une énorme et vieille branche du chêne qui, poussée par le vent, venait frotter contre le mur de la cabane. Le GRRRROOOOONNNNN en colère n’était que le bruit du bois rugueux contre le bois de sa maison.
Le vent s’était calmé. La branche ne bougeait plus. Le silence était revenu, poétique et apaisant. Zoé éclata d’un rire doux. Sa colère et sa peur s’étaient envolées, remplacées par la drôlerie des petits bruits de sa boîte magique.
Elle récupéra la noisette de Pipo, qui brillait dans un coin. En ressortant de derrière le rideau de lierre, Zoé comprit une chose importante. Face à quelque chose de grand et d’effrayant, se fâcher n’aurait servi à rien. Mais un peu de calme, de courage et un « Plip-plop… Boïng ! » pouvaient tout changer. La colère du vent n’était qu’un simple courant d’air.
